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17/05/2013

Le livre de Job et l'expérience spirituelle(5)

 

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5° L'espérance de Job

 

Tout au long de ses plaintes, Job essaie rageusement de superposer deux visages inconciliables de Dieu. Mais tant qu'il s'épuise à opposer Dieu à Dieu, il s'enferme dans une problématique indigente et, en transposant à l'intime de Dieu l'idée d'un rapport de forces tirée de ses propres impressions, il reste esclave d'un schème d'agression qui ne peut rien expliquer de l'être ni de l'agir de Dieu. À certains moments cependant, qui sont toujours des moments d'humilité, Job cesse de forcer le mystère et laisse à Dieu le secret de sa double image. Alors l'espérance affleure de nouveau dans sa vie.

 

1) Parfois cette espérance reste implicite : les appels au Dieu fidèle se cachent dans des expressions de rupture, comme si le langage de l'amitié, une fois désappris, ne pouvait plus reparaître qu'avec une sorte de timidité et de pudeur (7, 16b.19; 10, 20b; 14, 6); ou bien ce sont des plaintes sur la caducité de l'homme qui font entendre en harmonique, comme dans les psaumes, le thème de la tendresse de Dieu.

 

L'espérance se dit déjà plus nettement dans la strophe 14, 13-17:

Qui donnera qu'en sheōl tu me mettes à couvert

et me caches jusqu'à ce que se retire ta colère,

que tu fixes un terme où tu te souviendrais de moi!

Tous les jours de mon service j'attendrais

jusqu'à ce que vienne ma relève.

Tu appellerais et moi je te répondrais;

l'œuvre de tes mains, tu languirais après elle.

Car désormais tu ne compterais plus mes pas,

tu ne prendrais plus garde à mon péché:

scellée dans un sachet serait ma transgression

et tu couvrirais ma faute d'un badigeon!

 

Job n'envisage pas ici un rendez-vous avec Dieu au-delà de la mort. Le sheōl lui servirait seulement de cachette provisoire. Une fois apaisée sa colère, Éloah, en se souvenant de Job, mettrait fin à son exil, et la vie reprendrait pour lui sur la terre des vivants, en pleine amitié avec Dieu. Simple transition entre la vie souffrante et la vie heureuse, le sheōl ne protégerait pas le juste de la mort finalement inéluctable; pourtant le souhait de Job exprime une espérance authentiquement théologale, fondée sur la logique interne de l'amour créateur de Dieu et sur la puissance de salut enclose dans le souvenir divin.

 

2) Les trois grands textes sur l'espérance se trouvent dans le deuxième cycle de discours. En 16,19-22, Job s'écrie: "Maintenant encore, c'est dans les cieux qu'est mon témoin et celui qui dépose en ma faveur est là-haut", et plus loin, en 17, 3 : "Dépose donc une caution pour moi près de toi-même. Qui autrement frapperait dans ma main?" Mais surtout Job attend de Dieu qu'il se conduise en gō’ēl, c'est-à-dire comme celui qui seul a le droit de rachat:

"Je sais, moi, que mon gō’ēl est vivant,

et que, le dernier, sur la terre il se lèvera.

Et si l'on arrache ma peau de ma chair,

même après cela je verrai Éloah.

Celui que moi je verrai, sera pour moi,

et celui que mes yeux regarderont ne sera pas un étranger" (19, 25-27).

Selon l'exégèse traditionnelle, le texte affirmerait que le gō’ēl se réserve de ressusciter Job (cf. Septante, Vulgate). Plusieurs commentateurs, dont A. Weiser, G. Hölscher et H. Lamparter, tout en reconnaissant que le verset 19, 26 ne parle nullement de résurrection, estiment que Job, après sa mort, pourrait malgré tout avoir conscience d'une intervention justifiante de Dieu. D'autres, par exemple, C. Larcher et S. Terrien, envisagent pour Job une résurrection momentanée. Selon une interprétation qui semble plus conforme aux données de l'anthropologie biblique, Job espère voir de son vivant l'intervention de Dieu (sur l'exégèse de ce texte difficile, voir J. Lévêque, Job et son Dieu, p. 467-489). Toute l'espérance de Job tient donc ici en trois mots "Je verrai Éloah"; et cette vision de Dieu lui sera accordée sur cette terre (cf. la théophanie dans l'orage, Jb 38,1 – 42,6).

 

3) Job ne dit rien de ce qui suivra la mort et ignore tout d'un au-delà bienheureux. À première vue le contenu de son espérance pourrait paraître bien pauvre: malgré sa réhabilitation par Dieu, Job, en définitive, restera soumis à la loi de la mort, et la navette de ses jours "cessera de courir, faute de fil " (7, 6). Mais cette indigence même fait la grandeur de l'espérance de Job, parce que son attente, au-delà de toute visée d'intérêt et de toute image sécurisante, est tendue vers Dieu et lui seul.

Certes, l'énigme de la mort reste tout aussi angoissante: "L'homme qui est mort, où donc est-il?" (14,10); mais une certitude plus forte se fait jour à travers l'épaisseur de la déréliction. Éloah se lèvera le dernier, et c'est son amour qui aura le dernier mot. Job ne sait pas au juste ce que la mort fera de lui; il sait seulement, de toute l'intensité de sa foi, que Dieu est vivant, donc puissance de vie, et que le Vivant, dès maintenant, veut se conduire en gō’ēl.

Ce n'est pas la finitude humaine qui révolte Job, et même la perspective de la mort ne parvient pas à le paralyser; mais s'il doit mourir, il veut mourir réconcilié. Comme les psalmistes postexiliens (Ps. 16, 10-11; 49, 16; 73, 23-26), il veut de toutes ses forces exister dans le souvenir de Dieu. C'est pourquoi il réclame une ultime rencontre qui manifeste enfin la fidélité de Dieu à son propos d'amour et donne sens par là même à la longue nuit de l'épreuve. L'amitié avec le Vivant est déjà une victoire sur la mort

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