11/04/2014
Pourquoi l'Evolution n'a-t-elle jamais été démontrée ?(4)
Dominique Tassot
"... Vous supposez que les animaux ont été originairement ce
qu'ils sont à présent. Quelle folie ! On ne sait non plus ce qu'ils
ont été qu'on ne sait ce qu'ils deviendront. Le vermisseau
imperceptible qui s'agite dans la fange, s'achemine peut-être à
l'état de grand animal ; l'animal énorme, qui nous épouvante par
sa grandeur s'achemine peut-être à l'état de vermisseau, est peutêtre
une production particulière et momentanée de cette
planète.10" Déjà dans l'Interprétation de la Nature, en 1754,
Diderot avait écrit :
"De même que dans les règnes animal et végétal, un individu
commence... s'accroît, dure, dépérit et passe, n'en serait-il pas de
même des espèces entières ? ... L'embryon a passé par une infinité
d'organisations et de développements,... il s'est écoulé des
millions d'années entre chacun de ces développements... il a peutêtre
encore d'autres développements à subir et d'autres
accroissements à prendre qui nous sont inconnus.11"
Plus loin, dans le Rêve, Diderot revient sur cette évanescence
de l'espèce :
"Qui sait si ce bipède déformé, qui n'a que quatre pieds de
hauteur, qu'on appelle encore dans le voisinage du pôle un
homme12, et qui ne tarderait pas à perdre ce nom en se déformant
un peu davantage, n'est pas l'image d'une espèce qui passe ? Qui
sait s'il n'en est pas ainsi de toutes les espèces d'animaux ?13"
Puis, dans la bouche d'un d'Alembert en proie à la fièvre,
Diderot évoque le temps comme s'il s'agissait d'une véritable
cause : "Que ne produiront point, ici et ailleurs, la durée et les
vicissitudes de quelques millions de siècles ?...14" Le Docteur
Bordeu lui répond alors en imaginant le mécanisme dont Lamarck
se fera champion : "Les organes produisent les besoins, et
réciproquement les besoins produisent les organes... La
conformation originelle s'altère ou se perfectionne par la
nécessité et les fonctions habituelles. Nous marchons si peu, nous
10 Diderot, Le rêve de d'Alembert (1769). Rééd. , intr. et notes de Paul
Vernière. Paris, Marcel Didier, 1951, pp.15-16.
11 Ibid. note 1
12 Il s'agit des Lapons, que Maupertuis avait étudiés en 1736-1737.
13 Diderot, op. cit., pp.58-59.
14 Ibid. p.66
Le Cep n°4. 3eme trimestre 1998
Page 6 / 78
travaillons si peu et nous pensons tant, que je ne désespère pas
que l'homme ne finisse par n'être qu'une tête.15"
Loin de se voir issu d'un couple originel, comme
l'observation rapprochée et la Bible l'avaient suggéré, l'homme des
Lumières en vint à l'idée d'une transformation indéfinie des
espèces, une durée illimitée aidant.
Ainsi, un siècle avant Darwin, alors que Lamarck était
encore au berceau, tous les traits de l'évolutionnisme moderne se
trouvent clairement posés, avec les arguments qui en charpentent
la dialectique et font sa force persuasive : mise à l'écart de la
perspective biblique, longues durées géologiques, flexibilité
indéfinie de l'être vivant.
Ce ne sont pas de savants naturalistes, confrontés à des faits
irréductibles, qui ont élaboré cette vision des origines. Tout à
l'inverse, l'activité des scientifiques a consisté et consiste encore à
justifier, affiner et doter d'apparences rigoureuses, une antique
thèse païenne, remise à la mode par les "philosophes" des
Lumières. C'est pourquoi les arguments contraires ne sont guère
pris en compte : l'affirmation autoritaire a toujours fourbi la
meilleure des propagandes !...
Lamarck s'était spécialisé dans l'étude des invertébrés,
notamment des mollusques. Il entrevit donc, le premier, un
mécanisme évolutif "scientifique" (c'est-à-dire fondé sur des
considérations de mécanique, alors discipline exemplaire de toute
science).
S'autopersuadant, extrapolant sans états d'âme des
mollusques aux vertébrés, il conclut : "En réfléchissant sur le
pouvoir du mouvement des fluides dans les parties très souples
qui les contiennent, je fus bientôt convaincu qu'à mesure que les
fluides d'un corps organisé reçoivent l'accélération dans leur
mouvement, ces fluides modifient le tissu cellulaire dans lequel il
se meuvent, s'y ouvrent des passages, y forment des canaux divers,
enfin y créent différents organes selon l'état de l'organisation
dans laquelle ils se trouvent.16"
15 Ibid. pp.67-69.
16 Lamarck, Philosophie zoologique (1809). Nouvelle édition revue par
Charles Martin, Paris, F. Savy, 1873; t. I, p.5.
Le Cep n°4. 3eme trimestre 1998
09:51 Publié dans Spirituel | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.