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31/08/2018

Centre d’Etudes et de Prospective sur la Science – CEP:

 

 

   COLLOQUE D’ORSAY 22 & 23 septembre 2018

 

 

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COLLOQUE D’ORSAY
22 & 23 septembre 2018

La Clarté-Dieu, 95 rue de Paris, 91400 Orsay

 

 

Qu’est-ce que l’Occident ?
« Et ils craindront, ceux qui sont d’occident, le nom de YHWH, et ceux qui sont du levant, sa gloire.»
(Isaïe 59, 19)

 

 

PROGRAMME PRÉVISIONNEL 

 

 

Samedi 22 septembre :

 

 

Accueil des participants à partir de 9 h 00

 

 

9 h 30 Existe-t-il une science occidentale ? Dominique Tassot
10 h 45 L’Occident vu d’Asie. Bruno Gollnisch
12 h 30 Repas
14 h 15 Exporter la démocratie : pourquoi ? comment ? Maxence Hecquard
15 h 30 Refonder la sédimentologie : histoire d’une découverte occidentale. Guy Berthault

 

 

 

16 h 45: Pause

 

 

 

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17 h 45 Géopolitique de l’Europe. Pierre Hillard

19 h 15 Dîner
20 h 15 Table-ronde avec les conférenciers.

 

 

 

Dimanche 23 septembre :

 

 

 

9 h 30 L’islam peut-il être européen ? Annie Laurent
10 h 45 L’Occident tel que perçu par les jeunes. Virginie Vota
12 h 15 Repas
14 h 00 L’Occident et la Musique. Benoît Neiss

15 h 30 Messe de clôture

 

 

 

Durant les deux jours, accès à la librairie : livres, revues, enregistrements audio et vidéo…

 

 

Pour assister à ce colloque, prière de remplir et renvoyer la fiche d’inscription, disponible aussi sur le site Internet du CEP : http://le-cep.org. Pour tout renseignement complémentaire, contactez le secrétariat,
par mail : s.cep@wanadoo.fr ou tél. : 03 86 31 94 36

 

 

 

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28/08/2018

PÉLERINAGE DE CHARTRES:

 

 

 

 

 

 

CHARTRES : DANS LES PAS DE PÉGUY

 

 

 

 
 
 
 
 
 

Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

 
 
 

 

 

 

Chartres attend. Chartres appelle. Dans la pénombre, les vitraux d’un bleu irréel répandent leur lumière sur les dalles brillantes, cabossées, usées de tant de milliards de pas de pèlerins depuis tant de siècles.

 

 

Il faudrait, comme les Grecs qui gravissent une à une les marches de l’église de Tinos, les parcourir à genoux. Car chacun a tant à expier. Mais en levant les yeux de temps à autre vers le bleu du vitrail. Car chacun a tant à espérer.

 

 

Apres la clarté éblouissante de la route ensoleillée, la cathédrale fut longtemps le refuge sombre et frais où se reposaient nos yeux. Aujourd’hui, elle est moitié blanche, de cette blancheur légendaire de la pierre de Chartres, moitié noire encore, avec la seule clarté de vitraux d’une si exceptionnelle densité de couleurs que les milliers d’années ne les ont pas affadis. Des pancartes appelant au mécénat au pied des piliers semblent dire : vous voyez, il en reste encore à blanchir, un effort s’il vous plaît…

 

 

Les terrasses des cafés se remplissent. La messe n’est qu’a 15 heures 30 et il n’est que midi, mais l’attente est forte. Pas aussi forte que pour le mariage du prince Harry deux jours avant, certes. Trois milliards d’êtres humains, soit presque la moitié de la planète, ne sont pas suspendus aux pas des 12.000 pèlerins.

 

 

Mais il y a un point commun entre ces événements. Dans les deux cas, on lève les yeux vers le ciel. Sur l’air d’un gospel à Westminster ; au son du « Christus vincit » à Chartres. Sous les paroles enflammées d’un pasteur américain noir la-bas, d’un cardinal guinéen, noir également ici. Notons, tout de même, que « tradis » français et conservateurs britanniques pratiquent mieux la « diversité » que d’autres qui leur font la leçon mais ne portent l’antiracisme qu’en bandoulière !

 

 

Notons aussi que, là-bas, le mariage ducal coûte des dizaines de millions d’euros, et qu’ici le pèlerinage ne coûte que de la sueur et des larmes. Celles des enveloppés, dont les cuisses ont dû frotter pendant trois jours jusqu’à être atrocement irritées, des fragiles au genou ou chevilles bandées, des ecclésiastiques à grosses chaussures de cuir qui ont la démarche caractéristique de ceux que leurs ampoules à vif font cruellement souffrir.

 

 

Ils sont venus, ils sont tous là. Solides gaillards barbus « façon Légion » ; dames d’œuvres au chignon irréprochable ; petites sœurs tout en blanc dont l’habit porte, au-dessus des chaussures de marche, un peu du vert des haltes dans les prairies ; moines noirs, gris ou blancs, émaciés ou rondouillards ; scouts en uniformes beiges ou bleus ; fraîches jeunes filles, enfants rieurs.

 

 

Les mots de Péguy chantent dans les têtes quand, à nouveau, l’« étoile de la mer » qu’ils quittent à regret vogue « sur l’océan des blés ».

 

 

Récemment s’est tenu, à Normale sup et au Collège de France, un colloque en hommage à Léon Bloy, mort en 1917. Rien de tel pour Péguy, pourtant lui aussi normalien, en 2014, au centenaire de sa mort. Mais ce défaut de reconnaissance académique n’est il pas compensé par le long ruban de 12.000 pèlerins marchant vers Chartres chaque année ? Eux témoignent de sa fructueuse postérité.

 

 

 

 

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24/08/2018

Penseur religieux et précurseur de l'existentialisme:

 

 

 

 

 

 

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Søren Kierkegaard a conçu une philosophie du choix: 

 

 

 

 


« Je fus élevé sévèrement depuis l'enfance dans la considération que la vérité doit subir la souffrance, être outragée, insultée. » D'une austérité ainsi glaciale, la pensée de Søren Kierkegaard est aussi -paradoxalement- l'une de celles qui a accordé à l'expression des sentiments intérieurs la considération la plus haute. Philosophe religieux, c'est à une conception du christianisme comme via dolorosa, comme épreuve d'une vie pieuse jalonnée de sacrifices et de souffrances qu'il a consacré son existence. S'opposant fermement au luthéranisme d'État qui régnait alors au Danemark, Kierkegaard pose une exigence de la foi et de l'authenticité qui ne souffre aucun compromis avec le monde. Le christianisme kierkegaardien se veut sans médiation, sans institution, presque sans Église. Cette posture le conduira à décrire la vie intérieure comme une conscience tiraillée entre le doute, le péché et la perpétuelle dramaturgie du choisir. La foi se présente dès lors comme une voie royale pour explorer l'intériorité. Kierkegaard est ainsi devenu l'un des premiers grands philosophes de l'introspection individuelle. C'est d'ailleurs à cet aspect de son œuvre que Kierkegaard devra d'être reconnu par la postérité, faisant de lui le précurseur, avant l'heure, du courant existentialiste. Toujours en quête d'une vérité « pour moi », qui n'est pas celle des grands systèmes universels à l'instar de René Descartes ou Georg Hegel, mais celle pour qui il y va de « moi-même ». Pourtant, la conscience individuelle ainsi émancipée se heurte inévitablement au vertige de la liberté c'est-à-dire du choix. Face à l'angoisse d'exister dans un monde où l'expression d'un choix individuel est déterminante, l'homme kierkegaardien endure le désespoir comme un fardeau constitutif à sa condition d'humain. « Être soi » devient le défi existentiel par excellence, celui qui consiste à se tenir au seuil d'une infinité de possibilités et, dans un « saut » fondateur, à assumer jusqu'au bout tous les risques d'une décision.

 

 

Maisons closes et ivresse:

 

 


Le 5mai 1813, Søren Kierkegaard, petit dernier d'une famille de sept enfants, originaire d'un petit village de l'Ouest du Jutland, vient au monde. Âgé de 53 ans, son père est un homme taciturne et mélancolique. Sorën n'a que 6 ans quand une série de décès vient emporter tour à tour ses frères et sœurs. Seuls son frère aîné et lui survivent. Convaincu qu'une malédiction pèse sur la famille, le père veut assurer le salut éternel de son dernier-né, au cas où il devrait mourir lui aussi prématurément. L'éducation religieuse de Sorën sera alors hantée par l'image du Christ agonisant sur la croix. Profondément atteint et indigné par l'injustice du sort de Jésus, Sorën se forge alors une conception de l'humanité pécheresse et plus rien désormais -ni l'idée de la Résurrection ni celle de la Rédemption- ne viendra l'éloigner de sa fascination pour l'intransigeance sacrificielle de la foi. Toute sa vie, il cherchera à appréhender la souffrance comme l'épreuve fondamentale du chrétien, se considérant si ce n'est comme témoin de la vérité, martyre de son temps. Car Kierkegaard ne tardera pas à s'opposer au christianisme officiel du Danemark à qui il reproche un manque d'authenticité. Son christianisme à lui ne peut être l'objet de compromis avec la société. Il impose l'isolement et la solitude.

 

 


À 18 ans, Kierkegaard connaît ce qu'il a appelé « le tremblement ». Un soir, son père ivre lui aurait dévoilé un secret, la famille serait « maudite »  : voilà ce qui serait la cause de tous ces décès... Kierkegaard a vécu cette « révélation » comme un choc. En proie à de terribles crises d'angoisse, il fuit le foyer paternel. Commence alors pour lui une vie de débauché. Il fréquente les maisons closes, dilapide son argent à faire la fête et rentre ivre quasiment tous les soirs. Il découvre le Don Juan de Mozart et joue les dandys séducteurs. Ce changement radical de mode d'existence joue un rôle capital dans la pensée kierkegaardienne où déjà s'annonce sa théorie du « saut », à l'origine de celle des « stades de l'existence » (encadré p.56), et en l'occurrence, ici, celui du « stade esthétique ». Criblé de dettes et repentant, il revient un an plus tard le 8août 1838 chez son père juste avant son décès. « Mon père est mort (...). J'aurais tellement aimé qu'il eût vécu quelques années de plus, et je regarde sa mort comme l'ultime sacrifice de sa part à son amour pour moi. » Kierkegaard reprend alors à ses études  : en juillet1840, il obtient le certificat de théologie requis pour exercer comme pasteur. Lors d'un pèlerinage dans le village de son père, il rencontre Regine Olsen, une belle jeune fille de 17 ans dont il tombe éperdument amoureux. Les voilà bientôt fiancés. Cette rencontre marquera à jamais sa vie et son œuvre. Mais, après avoir entretenu une relation épistolaire passionnée, Kierkegaard se rétracte soudainement, juste avant le mariage. Il renvoie la bague de fiançailles à Régine accompagnée de ce mot  : « En Orient, l'envoi d'un cordon de soie signe pour le destinataire son arrêt de mort  ; ici, l'envoi d'un anneau signe l'arrêt de mort pour celui qui l'envoie. »

 

 


Tout le petit monde de l'aristocratie danoise, dont Kierkegaard fait partie, condamne son geste. Le jeune homme s'enfuit à Berlin pour éviter de subir le scandale. Mortifié par la rupture avec Regine qu'il aime pourtant profondément (« ce que j'ai perdu, c'est la seule chose que j'aimais »), il s'interroge sur le sens de son choix. Il en conclut qu'un pacte plus grand, « un pacte de larmes » le lie avec Dieu. Cet amour sacrifié sur l'autel de sa vocation religieuse a quelque chose d'amèrement ironique quand on sait que par la suite, Kierkegaard ne cessera de faire l'apologie du mariage comme l'emblème du « stade éthique » de la vie.

 

 

L'existence comme possibilité:

 

 


À Berlin, Kierkegaard va suivre les cours de Friedrich von Schelling et l'enthousiasme un temps avant de s'en détourner. Les Lumières allemandes (l'Aufklarüuml ;ng) affirmaient le pouvoir de la raison comme principe autonome et opposé à l'obscurantisme religieux. Mais le nouveau courant romantique, opposé aux Lumières, a vu le jour. Pour les romantiques, dont Johann Fichte est le principal représentant, la raison est infinie comme le sont la suite des nombres qui s'ajoutent les uns aux autres dans une suite logique. Considérer la raison comme infinie revient à faire du monde un mouvement rationnel qui avance d'une étape à une autre sous le joug de la nécessité de sorte qu'il devient possible de déduire l'étape qui va suivre de manière a priori, c'est-à-dire sans avoir recours à l'expérience. Pour Kierkegaard, cette façon d'envisager le monde comme un grand système qui engloberait tout dans une dynamique homogène nie l'individu et sa liberté. Un système ne pourra, dès lors, jamais rendre compte de l'expérience individuelle car elle exclut toute idée de contingence. Or, pour Kierkegaard, l'être humain est pure contingence. Contre l'effort des milieux intellectuels danois pour réconcilier le christianisme avec la spéculation hégélienne, qui prétendait fonder la foi en raison, Kierkegaard oppose l'impuissance fondamentale de la raison à élucider le mystère qui lie un individu à la révélation divine. Aucune explication objective ne peut s'aventurer, sans se compromettre, dans l'intimité d'une conscience.

 

 


Pierre angulaire de la pensée de Kierkegaard, le « possible » est à la base de l'existence humaine. Pour lui, l'homme ne se contente pas de vivre, c'est-à-dire de naître et de mourir, il existe c'est-à-dire que sa présence l'engage dans le monde. Dès lors, il n'est pas soumis à des contraintes naturelles qui le poussent à agir de telle ou telle façon. L'homme est pour lui une contingence pure qui a pour seule nécessité celle de devoir choisir constamment sa vie. Car exister, c'est choisir et cette liberté est la condition métaphysique de l'homme. Condamné à faire des choix, l'homme se singularise, presque malgré lui, et devient individu. Ce champ infini de possibles qui s'offre alors à lui n'a pourtant rien de bienheureux. Au contraire, il prend la forme d'un abîme sans fond  : un vertige métaphysique. Si rien ne m'oblige ni ne m'incite à choisir ceci plutôt que cela, comment choisir  ? Comment être sûr de ne pas se tromper  ? Derrière chaque choix, se cachent toujours la potentialité d'un bonheur et celle d'un malheur. Voilà comment l'expérience de la liberté devient paralysante plutôt qu'émancipatrice. Elle devient malaise, doute et tourment. Elle devient angoisse.

 

 


Dans Traité du désespoir (1849), Kierkegaard s'interroge sur le rapport qu'entretient l'individu avec lui-même lorsqu'il éprouve la difficulté de l'injonction à « être soi ». Être totalement libre  ? Se sentant incapable d'un tel engagement, l'homme se met à désespérer de lui-même, trop conscient du piège existentiel dans lequel il se trouve irrémédiablement. Pour Kierkegaard, s'extirper du désespoir ne peut jamais venir de nous-mêmes mais forcément d'une force extérieure. Ainsi en est-il de la foi en Dieu. Cependant, l'acte de foi n'a lui-même rien de serein. Il ne satisfait jamais les exigences intellectuelles, ne délivre aucune certitude. Il est précisément « choix » au sens le plus noble du terme. Celui qui implique de prendre et d'assumer les risques de l'existence à son compte. Au fond, il ne s'agit pas pour l'homme existentiel de choisir telle ou telle chose mais d'avoir le courage de « vouloir choisir », c'est-à-dire d'accepter une responsabilité. Pour le penseur, on décide quelque chose comme on saute dans le vide. Cette radicalité de la décision tranche dans les choix à la manière d'un couperet.

 

 

De l'esthétique à l'éthique:

 

 

 

Revenu à Copenhague, Kierkegaard publie Ou bien... ou bien (1843) sous un pseudonyme (comme toutes les œuvres philosophiques qu'il écrira ensuite) dont le succès ne se fera pas attendre. Dans cet ouvrage, il décrit l'alternative qui se pose entre un mode de vie esthétique et un mode de vie éthique  : « ou bien » celui de l'esthète « ou bien » celui de l'éthicien. La première partie de l'œuvre, consacrée à la vie esthétique est un composé de plusieurs écrits compactés en un seul. On y trouve notamment Le Journal d'un séducteur (1843), célèbre roman épistolaire où Johannes, sorte de Don Juan moderne, cherche à séduire la belle Cordélia avant de l'abandonner lorsque celle-ci tombe amoureuse... Ce scénario n'est pas sans rappeler la relation qui liait Kierkegaard à Regine, séduite et abandonnée à la veille du mariage. La seconde partie décrit le choix de « l'éthicien » qui a accepté une responsabilité envers lui-même.

 

 


Après ce livre, commence alors une période extrêmement prolixe où Kierkegaard, profitant d'une aisance matérielle, se consacre entièrement à son œuvre. Il révèle alors tous ses talents d'écrivain, dans une œuvre où se mêlent réflexions philosophiques, récits, poèmes et théologie. En six ans, il publie Crainte et tremblement (1843), La Répétition (1843), Miettes philosophiques (1844), Du concept d'angoisse (1844), Étapes sur le chemin de la vie (1845)... tout en continuant à tenir scrupuleusement son journal. Ayant accédé à la célébrité, (il est reconnu par les badauds dans les rues de la capitale), il sera aussi la risée de Copenhague, suite à la publication d'un numéro du Corsaire, journal satirique très en vogue qui le tourne en ridicule. Un jour, il apprend le mariage de Regine avec Fritz Schlegel, ruinant son espoir caché qu'elle lui reste fidèle en pensée  ! Ses multiples tentatives de la revoir, avant qu'elle suive son époux aux Antilles, se soldent par de froids adieux échangés sur une place publique, où il ne parviendra finalement pas à prononcer le moindre mot. Quelque mois plus tard, Kierkegaard tombe gravement malade  : replié sur lui-même, il refuse alors toute visite, même celle de l'évêque venu lui proposer une ultime réconciliation avec l'Église. À 42 ans, Kierkegaard s'éteint, seul et ruiné. Sur son lit de mort, Regine, « écharde dans la chair », le hante toujours  : « Elle a été l'aimée. Mon existence sera l'exaltation absolue de la sienne, mon activité littéraire pourra aussi être considérée comme un monument à sa gloire et à sa louange. Je l'emporte avec moi dans l'histoire. »

 

 

L'angoisse, un concept clé:
 

Concept clé dans la pensée existentialiste, l’angoisse a été introduite en philosophie par Søren Kierkegaard pour désigner ce que ressent l’homme lorsqu’il prend conscience de sa situation dans le monde. Pour Kierkegaard, jamais l’homme n’aura accès à la vérité absolue, à la transcendance pure. Il ne peut ainsi jamais être assuré de quoi que ce soit. Il est condamné à choisir sans jamais obtenir la certitude que son choix est le bon. La foi est alors le seul recours. Elle est une certitude subjective de la vérité. Il s’agit de savoir ce qui est vrai non pas en soi mais pour soi. Dans Le Concept de l’angoisse, publié en 1844, sous le pseudonyme Vigilius Haufniensis, le penseur présente l’angoisse comme un sentiment qui, contrairement à la peur, n’a pas d’objet déterminé. L’angoisse réside en réalité dans le rapport qu’entretien l’homme avec la nécessité de choisir entre une multitude de possibilités, propres à sa condition. L’angoisse est l’expérience de la liberté vécue comme un vertige. C’est pourquoi il est bien plus pertinent d’étudier ce sentiment, non pas philosophiquement, c’est-à-dire comme un concept, mais psychologiquement, comme un sentiment.

 

 

Le père de l'existentialisme ?
 
 

Longtemps tenu à l’écart de la philosophie, l’œuvre de Søren Kierkegaard a connu une véritable renaissance avec l’essor du courant existentialiste après la Seconde Guerre mondiale. En opposition farouche aux grandes spéculations métaphysiques, Kierkegaard cherche à penser l’être humain dans son existence concrète, c’est-à-dire dans son expérience personnelle. Qu’est-ce donc qu’exister pour un être humain ? Telle est la question kierkegaardienne par excellence que reprendra à son compte Jean-Paul Sartre pour qui la question clé de la philosophie est celle de l’engagement et de la responsabilité face à la liberté. ?

 

 

Martin Heidegger avait mentionné Kierkegaard plusieurs fois dans Être et Temps (1927) mais il le fait uniquement pour l’opposer à Georg Hegel et lui reprocher son absence de rigueur. Cependant, de nombreux concepts semblent témoigner de la parenté de pensée qui lie les deux penseurs : l’angoisse, idée largement développée dans Être et Temps ou « le saut » que Heidegger évoque dans son cours « Le principe de raison de Leibniz ». Emmanuel Levinas écrira même qu’« il est possible que derrière chaque phrase de Heidegger, il y ait du Kierkegaard ». ?

 

 

Kierkegaard a influencé aussi Karl Jaspers à travers sa conception de l’existence individuelle, conçue comme unique, face au dilemme de la vie en commun : si chaque individu est singulier, comment les individus peuvent communiquer entre eux ? Si la vérité est intimement liée à ma seule personne, puis-je la mettre en parole sans l’altérer ? 

 

 

Gabriel Marcel, représentant de « l’existentialisme chrétien », reprendra du philosophe danois le concept « d’alternative ». Quand à Emmanuel Mounier, figure du catholicisme social, il ira jusqu’à émettre l’espoir de « réconcilier Kierkegaard et Marx ».

 

 

L'esthète, le chic type et le croyant
 
 

Dans Étapes sur le chemin de la vie (1845), Søren Kierkegaard présente trois profils d’existence. Aucune n’est compatible avec les autres de telle sorte qu’aucune synthèse n’est possible .

 

 

Le stade esthétique?

 

Incarné par Johannes, personnage masculin du Journal d’un séducteur (1843), le stade esthétique est dominé par la figure du séducteur. Celui-ci, obsédé par la recherche du plaisir, ne veut vivre que dans l’instant. Il correspond au mode de vie du Don Juan qui après avoir séduit une femme en désire immédiatement une autre. Pour Søren Kierkegaard, « l’esthète » est un Narcisse qui veut à tout prix se différencier, car il veut tout et maintenant. Il reste suspendu au-dessus d'une multitude de possibilités et renonce à choisir. Renonçant à s’engager durablement, il revendique sa subjectivité, son indécision, qui est aussi une forme de liberté absolue.?

 

 

Ce portrait de l’esthète en libertaire hédoniste, on pourrait le retrouver à d’autres époques de l’histoire. À Athènes par exemple avec Calliclès, qui prône la jouissance immédiate des plaisirs. À l’époque contemporaine, on pourrait retrouver le portrait de l’esthète au cinéma, James Dean dans La Fureur de vivre (1955), ou dans le roman (par exemple American Psycho, 1991). Le stade esthétique fait songer à toutes ces formes contemporaines de plaisir débridé dont, par exemple, Ibiza ou le credo du « jouir sans entraves ». Selon Kierkegaard, la désinvolture de l'esthète s’accompagne d’une attitude ironique face à l’existence.?

 

 

L’ironie – sujet auquel Kierkegaard consacre sa thèse de doctorat – consiste à refuser le sérieux de l'existence. Mais cette attitude a quelque chose de tragique et désabusé. L’esthète est un désabusé et son ironie est une façon d’exprimer le décalage entre nos idéaux et la réalité, toujours décevante. La recherche de la jouissance a quelque chose de désespéré. Voilà pourquoi le mode de vie « esthétique » ne peut finalement satisfaire. Il n’est au fond qu’une fuite en avant ne débouchant sur rien. Les plaisirs se succèdent et se ressemblent. Un sentiment de répétition inutile s’empare alors de l’esthète et le conduit à la « mélancolie » (que l’on appellerait aujourd’hui la dépression). Pour Kierkegaard, il faudra bien un jour mettre un terme à cette forme de vie qui ne mène a rien. Et pour lui, cet abandon ne se fera ni par changement progressif, ni par un simple dépassement à la manière d'une dialectique. Il s’agit de réaliser un véritable « saut », c’est-à-dire prendre une décision ferme et radicale.?

 

 

Le stade éthique?

 

Alors que l’esthète ne veut renoncer à rien et veut jouir de tout, l’éthicien lui, veut « fixer » sa vie. Au stade éthique, l’individu devient adulte. Il a fait le choix de l’engagement et de la fidélité. Il a compris que le jouisseur, qui se croit libre en cherchant à satisfaire ses seuls désirs immédiats, se soumet en fait passivement à eux : il devient un esclave. Le « stade éthique », correspond à une renonciation à une vie d’exception pour choisir une vie plus humble et ordinaire. L’« éthicien » de Kierkegaard correspond à la vie rangée des « gens biens », du bon père de famille, du bon mari, de la bonne épouse, du bon citoyen… Autant le séducteur du stade esthétique se révèle égoïste et narcissique, autant la personne au stade éthique privilégie le sens du devoir. Cette morale du « chic type » vénère la fidélité (à son compagnon ou sa compagne), la loyauté (envers son pays, son entreprise, son clan). Son rapport au temps, à l’argent diffère fondamentalement du « flambeur » qu’est l’esthète. L’un est cigale, l’autre fourmi. L’un dépense sans compter, l’autre l’épargne. L’un vit au jour le jour, l’autre songe à l’avenir et construit patiemment ses projets et plans de carrière. ?

 

En s’engageant dans l’existence concrète, l’éthicien se plie aux règles sociales et accepte de composer avec elles. Le mariage incarne pour Kierkegaard le symbole de cette vie éthique. En se mariant, l’éthicien officialise sa promesse de fidélité à l’autre en lui donnant une dimension civile. Ce n’est pas pour autant une renonciation à tout romantisme et à toute notion de plaisir. Mais le celui-ci doit rester dans les normes et la maîtrise de soi. Kierkegaard insiste sur le fait que ce choix de vie n’est nullement une forme de soumission : car respecter des règles de vie est aussi un choix de vie qui échappe à l’automatisme du devoir. L’esthète croyait trouver sa liberté dans le désir, et tombait vite dans l’esclavage. L’éthicien, lui, semble se soumettre aux conventions : en fait il fait triompher sa liberté en s’engageant de lui-même dans une vie quotidienne moins glorieuse mais dirigée par les règles qu’il s’est définies lui-même. Celui qui a renoncé à son statut d’homme exceptionnel – en se mariant, en assumant peut-être une famille, des responsabilités sociales – se révèle finalement le plus extraordinaire des deux. ?

 

 

Le stade religieux?

 

Après avoir épuisé lui-même les illusions du stade esthétique, comme Le Journal du séducteur en témoigne, Kierkegaard aurait voulu réaliser le « stade éthique ». Il n’y est pas parvenu. Il ne s’est pas marié, n’a jamais su avoir un rapport aux autres serein, ni même assumer une position sociale stable et assurée. Il est mort seul et ruiné. C’est que Kierkegaard est convaincu de porter en lui un rapport à Dieu qui l’empêche d’appartenir tout à fait à la société. Le « stade religieux » est pour Kierkegaard, le troisième mode d’engagement de l’existence humain. Il ne s’agit plus de se vouer à soi (stade esthétique), aux autres (stade éthique), mais se consacrer tout entier à une transcendance. Cette relation au divin condamne tout compromis avec la société. Rompre ses fiançailles avec Régine n’a pas eu d’autre sens. Ce sacrifice au nom de la foi est « l’expression de l’abandon le plus absolu ». Entrer en relation avec l’absolu implique forcément une rupture avec les autres. Aujourd’hui, le mysticisme ou le fondamentalisme religieux qui impose le sacrifice de soi représenteraient cette forme d’engagement absolu. Par extension, cette ascèse mystique peut se transposer à tous ceux qui décident de s’engager de façon absolue, dans n’importe quel type de transcendance : idéal scientifique, philosophique, artistique, sportif au détriment de son plaisir immédiat ou des contraintes de son milieu.

 

Louisa Yousfi

 

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21/08/2018

ÉGLISES OUTRAGÉES, ÉGLISES BRISÉES, ÉGLISES MARTYRISÉES !

 

 

 

 

NOS ÉGLISES SOUS L’OCCUPATION PROGRESSISTE

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
Professeur de Lettres
 
 
 
 

Il est un fait que nos églises se vident. Dans bien des paroisses, au fil des ans, les têtes des fidèles deviennent plus chenues, les dos plus voûtés, les démarches moins assurées, les places vacantes plus nombreuses. Les prêtres eux aussi s’essoufflent, et les vocations. Alors, chaque année, des églises sont désacralisées, voire désaffectées, quand on ne les rase pas purement et simplement.

 

 

 

À voir la destinée de certains de ces anciens lieux de culte, on se prend à penser que, tout compte fait, leur destruction eût peut-être été préférable. Témoins, ces trois exemples tout récents :

 

 

 

À Agen, la chapelle du Martrou devrait abriter, à partir du 17 mai 2018, une exposition intitulée « La Transidentité », dans le cadre du « Festival des fiertés » organisé par l’association LGBT locale.

 

 

 

Il y a quelques jours, 20 Minutes admirait la transformation « insolite », par l’« artiste » new-yorkais Asad Raza, du sol de San Paolo Converso, à Milan, « en un court de tennis où tout le monde peut jouer ».

 

 

 

Enfin, Aleteia consacre un article à « une œuvre discutable dans une église qui doit prochainement être désacralisée », l’église de Kuttekoven, à Looz, en Belgique. Intitulée Holy Cow, cette sculpture grandeur nature, placée devant l’autel, représente une vache crucifiée. À ses pieds, un immense réservoir contenant 5.000 litres de lait.

 

 

 

L’église milanaise et la chapelle du Martrou ont été désacralisées, mais apparemment pas désaffectées : elles sont donc toujours sous la responsabilité d’une institution religieuse. C’est d’ailleurs à la paroisse Sainte-Foy, souligne Le Salon beige, qu’il faut s’adresser pour obtenir de plus amples renseignements sur l’événement. Quant à l’église belge, on n’a même pas attendu que le cadavre soit froid pour s’emparer de l’héritage et faire la nique au défunt, puisqu’elle n’est même pas encore désacralisée.

 

 

 


Comment l’Église peut-elle donc se compromettre à ce point ?

 

 

 

 

Le site Internet de la paroisse agenaise présente la chapelle du Martrou comme un « lieu culturel [qui] permet [de] contribuer à la vie culturelle locale en y apportant un caractère particulier dû à son histoire et sa sacralité ». Une sacralité exceptionnelle, en effet, la chapelle du Martrou devant son nom à sa crypte où, dès le Vesiècle, des chrétiens auraient enseveli les corps retrouvés de martyrs agenais du siècle précédent, notamment sainte Foy et saint Caprais. La paroisse devait-elle autoriser en un tel lieu cette exposition LGBT, organisée par une association dont le nom, Ecce Homo, n’est pas loin d’être blasphématoire ?

 

 

 

Que penser de la molle réaction du diocèse belge de Hasselt, qui se contente de se déclarer « surpris par l’exposition » de cette œuvre en expliquant : « Nous pouvons certainement apprécier l’humour. Mais une vache sur une croix cela va un peu trop loin » ? A-t-il cru à la justification inepte de l’« artiste » qui prétend dénoncer le « gaspillage dans notre société » en gâchant 5.000 litres de lait ?

 

 

 

Et, si 20 Minutes voit d’abord dans ce court improvisé une « œuvre d’art interactive […] qui encourage les visiteurs à jouer au tennis », il dévoile quand même « le but de Raza » : « remplir l’espace d’une nouvelle pratique sociale, non de recevoir des messages d’en haut, mais de s’engager dans un échange et un jeu d’égal à égal ». Autrement dit, évacuer de cette église toute transcendance.

 

 

 

L’Église, par ses renoncements, voire ses trahisons, continue, hélas, trop souvent à faire le jeu de ce Grand Remplacement multiforme qui nous tue.

 

 

 

 
 
 
 
 

09:34 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

17/08/2018

Voici le dernier message de Billy Graham:

 

 

 

 sur les réseaux sociaux 

juste avant sa mort:

 

 

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Celui qui aura été élu 61 fois « personnalité préférée des Américains » selon Gallup est décédé en ce 21 février, à l’âge de 99 ans. De son premier sermon à Pâques en 1937, à son Dernier message à l’Amérique et au monde, en 2013, le pasteur baptiste Billy Graham aura prêché l’évangile à plus de 215 millions de personnes.

 

 

Quelques instant avant sa mort, saluée par le Président américain Donald Trumpet son Vice Président, Mike Pence, lui-même évangélique, il a publié un dernierpost sur son compte Facebook. Voici le contenu du message de celui qui aura annoncé l’évangile jusqu’à son dernier souffle :

 

« Si vous partiez vous promener dans les bois, et que vous fassiez le choix de quitter le sentier pour vous trouver soudainement prisonnier dans un buisson d’épines et d’orties, de qui serait-ce la faute ? De celui qui a bâti le sentier ? Non, bien sûr. Si vous étiez honnête, vous ne vous en prendriez qu’à vous-même, parce que c’est vous seul qui avez fait le choix de vous éloigner du sentier.

 

 

D’une manière bien plus profonde encore, c’est ce qui se produit lorsque nous décidons de laisser Dieu en dehors de nos vies. Au début, nous pouvons avoir l’impression que nous éloigner de Dieu ne fait aucune différence; on pourrait même penser que la vie est plus facile et la liberté plus grande. Mais à la fin, nous nous retrouvons piégé, exactement comme celui qui s’est éloigné du chemin et s’est retrouvé prisonnier du buisson d’épines. »

 

 

 

 

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