Médecin urgentiste et généraliste
En octobre 2015 près de Grenoble, un homme âgé a tué sa femme qui souffrait de la maladie d’Alzheimer. Il a été jugé par la cour d’assises de l’Isère la semaine dernière et condamné à cinq ans de prison avec sursis. Quelques années plus tôt dans le Tarn, un homme de 85 ans avait tué sa femme de deux balles dans la tête car il ne supportait plus leur quotidien. Son épouse souffrait d’une maladie d’Alzheimer et d’un syndrome de Parkinson.
On pourrait citer d’autres cas identiques, tous drames de la solitude, de la vieillesse, et de la maladie.
Les journalistes nous font remarquer que ces gens ne bénéficiaient pas d’aides à domicile qui auraient peut-être pu éviter ces drames. Bien sûr, vu de l’extérieur, on peut raisonner ainsi, penser que les services sociaux ont été déficients et que s’ils avaient été plus efficaces, on aurait pu éviter de telles issues. Mais pour une personne âgée, accepter une aide à domicile, c’est aussi faire entrer dans son intimité un élément extérieur, positif sur le plan de l’organisation domestique, mais qui l’oblige à constater qu’elle ne pourra plus vivre comme auparavant.
Changement facilement envisageable si l’avenir peut être porteur d’espoir, mais lorsqu’il se résume à l’attente de la mort, parfois considérée comme une délivrance, il est bien difficile d’accepter de faire ce constat. Alors, on vit dans le déni d’une situation qu’inconsciemment on refuse, avec le souvenir des jours heureux dont les lambeaux permettent de rendre tolérable un quotidien devenu trop difficile à assumer.
Et puis sans doute un jour la réalité apparaît sans fard, sans le maquillage des habitudes et des souvenirs, elle devient invivable et c’est le drame.
Comment éviter d’en arriver à de telles extrémités pour échapper à un quotidien devenu invivable ? Il n’y a, hélas, pas de recette miracle.
Les services sociaux sont généralement efficaces et peuvent permettre une prise en charge à domicile rendant le quotidien vivable pour l’entourage, à condition d’accepter cette aide !
Et lorsque l’état de la maladie sera plus avancé, que le malade ne reconnaîtra plus ses proches, qu’il sera sujet aux fugues et qu’il sera incapable de vivre sans surveillance, le maintien à domicile deviendra impossible. Il faudra alors envisager un placement dans un centre spécialisé, ce qui n’est malheureusement pas à la portée des plus modestes, les obligeant parfois à vendre le peu de biens qu’ils avaient pu acquérir au cours d’une vie de travail pour faire face à cette dépense ; dépossession qui ne fera qu’aggraver le sentiment de solitude de celui qui par chance (?) a échappé à la maladie.
La double peine, en quelque sorte.
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