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08/12/2023

Un personnage contestable : le Pasteur Adolf Stoecker.

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

Origines :

 

 

Adolf Stoecker est le fils d'un forgeron devenu par la suite agent de police au régiment de cuirassiers de Halberstadt. De 1854 à 1857, il étudie la théologie à l'université Martin Luther de Halle-Wittenberg et l'université Humboldt de Berlin. Après ses études et cela jusqu'en 1862, il exerce dans différentes familles nobles comme à Riga chez le comte Lambsdorff, mais également comme aumônier militaire. Après l'Oberlehrerexamen (l'examen permettant d'enseigner) de 1862, il participe à un voyage de neuf mois en Allemagne du Sud, en Suisse et en Italie.

 

 

 

 

 

Biographie politique et ecclésiastique :

 

 

En 1863 Stoecker devient pasteur à Seggerde (Altmark). Trois ans plus tard, il change de paroisse pour s'occuper de celle de Hamersleben, une petite ville industrielle. Marié depuis 1867 à Anna Krüger, fille d'un conseiller de commerce brandebourgeois, il quitte Hamersleben en 1871 après s'être violemment opposé aux mariages inter-confessionnels. Il devient la même année pasteur à Metz.

 

 

À partir du 17 octobre 1874, Stoecker devient quatrième prédicateur à Berlin. Depuis 1863, ses écrits dans le Neue evangelische Kirchenzeitung l'avaient rendu intéressant aux yeux de la cour. La même année, il devient membre de la direction synodale générale de l'église régionale de l'ancienne Prusse.

 

 

En 1878, Stoecker expose ses opinions réformatrices sociales chrétiennes dirigées contre la social-démocratie lors de la Eiskeller-Versammlung. C'est lors de cette réunion que le Parti chrétien social des travailleurs est fondé. Il changera de nom en 1881 pour devenir le Christlich-soziale Partei. Le but du parti est de défaire les liens existants entre le SPD (socialiste) et les ouvriers en exerçant une politique sociale monarchiste et chrétienne mais également en diffusant l'antisémitisme. Après un échec retentissant lors des élections parlementaires de 1878, Stoecker redirige son action pour gagner les classes moyennes. Un an auparavant, Stoecker avait pris la direction de la Berliner Stadtmission, une association évangélique dont le but est de freiner le déclin de la religion en s'engageant socialement et ainsi faire retrouver à l'église un prestige accru.

Une diaconie est mise en place, elle s'occupe des malades, des handicapés et des groupes discriminés. C'est ainsi que Stoecker fonde la Schrippenkirche dans la Ackerstraße où une tasse de café et deux petits pains sont distribués après l'office religieux. Les prêches qu'il publie atteignent un tirage de 130 000.

 

 

De 1879 à 1898, Stoecker est député pour la circonscription de Minden-Ravensberg au parlement de Prusse. De 1881 à 1893 puis de 1898 à 1908, il est député au Reichstag pour la circonscription de Siegen-Wittgenstein-Biedenkopf. Enfin, il est jusqu'en 1896 le représentant du Deutschkonservative Partei auquel les sociaux-chrétiens s'étaient ralliés.

 

 

Après n'avoir pas réussi à rallier à lui les ouvriers et les sociaux-chrétiens, Stoecker se tourne avec succès vers les classes moyennes en recourant à la propagande antisémite. Son action trouve un écho favorable parmi certains étudiants. Le Christlich-Soziale Partei reste cependant dépendant des conservateur. Stoecker et Hammerstein envisagent de transformer le Deutschkonservative Partei en un parti de masse en association avec le Kreuzzeitung ultra conservateur.

En 1883, Stoecker est nommé deuxième prédicateur et il devient quatre ans plus tard l'éditeur du Neue evangelische Kirchenzeitung.

 

 

Entre 1887 et 1888, Stoecker et l'aile droite de son parti entrent de plus en plus en conflit avec la politique du chancelier Otto von Bismarck. Stoecker a cependant une grande influence sur le prince Wilhelm, le futur Guillaume II d'Allemagne et essaie de le retourner contre Bismarck. Dans les lettres publiées par le Vorwärts sous le titre Scheiterhaufenbrief (littéralement lettres du bûcher), on apprend que Stoecker a comploté pour obtenir la destitution de Bismarck.

 

 

En 1889, Bismarck exige de Stoecker qu'il renonce publiquement à tout engagement politique actif et l'année suivante, Stoecker perd sa charge de prédicateur. La même année, Stoecker fonde le Congrès social-évangélique afin de se confronter à la question sociale. Des intellectuels libéraux comme Friedrich NaumannAdolf von Harnack ou Otto Baumgarten en font partie.

 

 

Après le renvoi de Bismarck, Stoecker gagne de plus en plus d'influence sur les conservateurs allemands. Lors du congrès du parti, le Tivoli-Parteitag de 1892, les antisémites réussissent sous la direction de Stoecker à ancrer l'antisémitisme dans le programme du Deutschkonservative Partei.

 

 

Étant donné que les libéraux ont la majorité au sein du Congrès social-évangélique, Stoecker le quitte en 1896. Il fonde dès lors la Freie kirchlich-soziale Konferenz. Friedrich Naumann et Helmut von Gerlach fondent le Nationalsoziale Partei. C'est ainsi que la caractère conservateur et antisémite du parti de Stoecker est devenu encore plus visible.

 

 

Après que Stoecker a quitté les conservateurs allemands en 1896 à la suite de son implication dans différents scandales, son parti a connu un déclin généralisé. Les sociaux-chrétiens se sont alors retrouvés à s'allier avec d'autres partis antisémites. Stoecker et son parti avaient alors perdu presque toute leur influence politique.

 

 

 

Stoecker et la question juive :

 

 

Dans la vision que Stoecker a du monde est a replacé dans son époque, la judaïté moderne pour lui était synonyme de libéralisme, de capitalisme, de matérialisme et d'athéisme. De plus, « pour lui, juifs et sociaux-démocrates ne font qu'un » thése plus que contestable. Dans son esprit, les réformes sociales chrétiennes et l'antisémitisme ne sont pas contradictoires mais se conditionnent conjointement, ce qui était banal à son époque, nous parait aujourd'hui  scandaleux. Il élève le premier en Allemagne l'antisémitisme en une clé pour  comprendre la politique moderne.

 

 

Stoecker s'est distancé  de l'antisémitisme racial. Ses déclarations  oscillaient entre un antijudaïsme chrétien traditionnel et une vision moderne  populiste, ce qui a accru son potentiel de ralliement. Stoecker a largement contribué à ce que ces théses se propage dans le protestantisme et les partis conservateurs.

Adolf Stoecker meurt le 2 février 1909 à l'âge de 73 ans à Gries bei Bozen. Il est enterré au Friedhof der Dreifaltigkeitskirche à Berlin-Kreuzberg.

Dans son roman Der UntertanHeinrich Mann évoque Stöcker lorsque l'avocat Wiebel s'engage en politique : « Après son exposé les Néo-Teutons jugèrent d'un commun accord que le libéralisme juif était le fruit annonciateur de la démocratie sociale, et que les Allemands chrétiens devaient serrer les rangs autour de Stöcker, le prédicateur de la cour ».

 

 

 

Œuvres:

 

 

 

  • Der religiöse Geist in Volk und Heer während des französischen Krieges, Vortrag, Berlin 1876

  • Das moderne Judenthum in Deutschland, besonders in Berlin. Zwei Reden in der christl.-socialen Arbeiterpartei, Berlin 1879

  • Zur Handwerkerfrage, Vortrag, Breslau 1880

  • Die Bewegungen der Gegenwart im Lichte der christlichen Weltanschauung, Heidelberg 1881

  • Die persönliche Verantwortung der Besitzenden und Nichtbesitzenden in der sozialistischen Bewegung und Gegenwart, Vortrag. Basel 1881

  • Eine entscheidende Stunde deutscher Geschichte, Halle 1881

  • ’Wirket so lange es Tag ist!’ Festpredigt bei der 50-jährigen Jubelfeier der Elberfeld-Barmer-Gefängnis-Gesellschaft am 14. Oktober 1883 über Ev. Joh. 9, v. 1-4, Elberfeld 1884

  • Eins ist noth. Ein Jahrgang Volkspredigten über freie Texte, Berlin 1884

  • Christlich-Sozial. Reden und Aufsätze, Bielefeld 1885

  • Predigten, Berlin 1886

  • Den Armen wird das Evangelium gepredigt. Ein Jahrgang Volkspredigten über die Evangelien des Kirchenjahres, Berlin 1887

  • Die sozialen und kirchlichen Notstände in großen Städten, Vortrag, Stuttgart 1888

  • Die sonntägliche Predigt, Berlin 1889

  • Wandelt im Geist. Ein Jahrgang Volkspredigten über freie Texte, Berlin 1889

  • Sozialdemokratie und Sozialmonarchie, Leipzig 1891

  • Arm und Reich, Vortrag, Basel 1891

  • Innere Mission und sociale Frage, Leipzig 1891

  • Das Salz der Erde. Ein Jahrgang Zeitpredigten, Berlin 1892

  • Wach’ auf, evangelisches Volk!, Berlin 1893

  • Dreizehn Jahre Hofprediger und Politiker, Berlin 1895

  • Von Stoecker zu Naumann. Ein Wort zur Germanisierung des Christentums, Heilbronn 1896

  • Verheißung und Erfüllung. Ein Jahrhundert Volkspredigten über alttestamentliche Texte, Berlin 1897

  • Die Leitung der Kirche. Ein Weckruf, Siegen 1899

  • Reden im neuen Reichstag 1899, Siegen 1899

  • An der Grenze zweier Jahrhunderte, Berlin 1900

  • Das Evangelium eine Gotteskraft. Ein Jahrgang Volkspredigten über die Evangelien der neuen Perikopen, Berlin 1900

  • Das christliche Sittlichkeitsideal und der Goethebund, Hamburg 1901

  • Kann ein Christ Sozialdemokrat, kann ein Sozialdemokrat Christ sein?, Berlin 1901

  • Beständig in der Apostellehre. Ein Jahrgang Volkspredigten über die Episteln der Eisenacher Perikopenreihe, Berlin 1901

  • Welche Gefahren drohen dem kirchlichen Bekenntnisseitens der modernen Theologie und was können die evangelischen Gemeinden tun zur Abwehr?, Gütersloh 1902

  • Die drei Paladine des alten Kaisers. Erinnerungen aus großer Zeit, Essen 1906

  • Kirche und

 

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05/12/2023

Ordination du Pasteur Blanchard 22/11/1992 ( Le Luthérien de Janvier 1993)

 

 

 

 

 

 

 

"C'est un

 

rempart que

 

notre

 

Dieu."

 

Martin

 

Luther

 

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01/12/2023

PasteurNoël Vesper : témoin et martyr.

 

 

 

 

 

 

Biographie:

 

 

Naissance

25 décembre 1882
Mérindol

Décès

21 août 1944 (à 61 ans)
Vaucluse

Nationalité

Français

Formation

Faculté de théologie protestante de Montauban

Activités

Pasteurécrivain

 

 

 

Noël Vesper (1882-1944), dont le nom de naissance est Noël Nougat, est un pasteur protestant et écrivain français né le 25 décembre 1882 à Mérindol (Vaucluse) et mort fusillé le 21 août 1944 à la Libération.

 

 

Biographie:

 

Enfance:

 

Noël est né à Mérindol le 25 décembre 1882, d’où son prénom. Il est issu d’une modeste famille vaudoise, ses parents, Théophile Nougat, coiffeur, et Augustine Serre son épouse, contribuèrent grandement à sa foi protestante. Noël est l’ainé de cinq enfants, tous nés dans le village de Mérindol.

 

 

En 1897, grâce à l’aide du pasteur Urbain de Robert, il entre au lycée et à l'école préparatoire de théologie de Tournon-sur-Rhône en Ardèche. Il suit les cours de cette école jusqu'en 1902. Joseph Parnin, alors proviseur du lycée, fut pour lui un maître incomparable et resta son ami jusqu’à sa mort en 1935. Il poursuit ses études de théologie à la Faculté de théologie protestante de Montauban de 1902 à 1906. Il soutient en 1905 une thèse de baccalauréat en théologie sur les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola1.

 

Ministère pastoral:

 

En 1906, il est nommé pasteur de la paroisse de l'église réformée de Lourmarin et y reste jusqu'à sa mort en 1944. Il se marie en 1906 à Narbonne (Aude) avec Prisca, Anne, Charlotte De Robert-Labarthe née le 6 juillet 1893. De cette union naît une fille, Lucienne Nougat qui voit le jour en 1907 à Frontignan (Hérault).

 

 

Durant la Première Guerre mondiale, il est mobilisé et réformé, mais il se porte volontaire dans l’Armée d’Orient de mars 1915 à mars 1919. Il est brancardier dans un régiment d'infanterie et est envoyé en Grèce. C’est en 1917 qu’il rencontre pour la première fois Robert Laurent-Vibert et Georges Rémond, jeune professeur poète. C'est lors de son séjour dans l’armée d’Orient qu’il contracte le paludisme, maladie qui l'a contraint à moduler son énergie tout au long de sa vie.

 

 

La restauration du Château de Lourmarin:

 

 

Après guerre, il se retrouva veuf en 1920, sa femme décédant de la grippe espagnole. La même année, lorsque Robert Laurent-Vibert découvre le château de Lourmarin et décide de lui redonner vie, il s'associe aussitôt avec Noël Vesper dans son œuvre de restauration matérielle et spirituelle. Cette entreprise attira de nombreux auteurs comme Henri Boscoque Noël Vesper rencontre en 1922, et qui développèrent une profonde et durable amitié. Les correspondances2 entre les deux hommes de 1923 à 1941 seront un échange vivace des liens qui les unissaient, un même partage, une complicité, des opinions proches, la même vision d’un monde en perpétuel mutation, le même sentiment sur une guerre qui se profilait à l’horizon des années 19393.

 

 

En 1924, Noël Vesper épouse en deuxièmes noces à Marseille, Laure Joséphine Serre née le 8 février 1893 à La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône), veuve de Paul Charles Perrottet4, dont elle avait eu un fils qui décéda au combat en 1944. De leur union naît un fils en 1925 à Lourmarin, François Nougat décédé en 1998 à Toulon.

 

 

À la mort de son ami Robert Laurent-Vibert en 1925, à la suite d'un accident de voiture en revenant de Lyon, il prit la direction de la fondation « R. Laurent-Vibert » dont il était jusque-là secrétaire-trésorier. Noël Vesper était très proche des idées de Robert Laurent-Vibert, par l’orientation de sa pensée politique et il appartenait à ces protestants influencés par les idées d’Action française qui demeurèrent fidèles jusqu’au bout à Charles Maurras et sa doctrine.

 

Cofondateur des « Terrasses de Lourmarin » avec Robert Laurent-Vibert, il poursuit son œuvre, en accueillant des écrivains, penseurs, essayistesphilosophes, comme Louis Lafon, Pierre Hassan, Jules BoisLouis Pize, Mathieu Varille et Jean Grenier avec lequel il se lie d'amitié et ils publient en commun un livre en 1930, Cum Apparueritit, Noël Vesper y incorporant des illustrations.

 

 

Tout en poursuivant son activité de pasteur sur les communes de LourmarinLa Roque-d’AnthéronPeypin-d’AiguesLauris et Pertuis, il publie à partir de 1930 un bulletin destiné à informer et à relier des paroissiens géographiquement très dispersés. Après quelques mois d'interruption en 1938-1939, les nouvelles locales paraissent désormais dans le cadre de « l'Union fraternelle de la presse protestante » sous le titre Les Vaudois du Luberon, le journal mensuel de l’église réformée évangélique de Lourmarin. Durant cette période prolifique en écriture et en relationnel, il se lie avec Roland Jeanneret, pasteur dans la région de Romans, son épouse étant une parente éloignée de Laure Nougat. Les deux hommes entretinrent une correspondance soutenue jusqu'à la fin de sa vie, des relations très fortes s'étant établies entre les deux familles5.

 

 

L'Association Sully.

 

 

Noël Vesper fut un des animateurs6 de L'Association Sully7 qui regroupa du milieu des années 1920 à la fin des années 1930 les protestants d'Extrême droite8 proches de l’Action française qui demeurèrent fidèles jusqu’au bout à Charles Maurras9 et sa doctrine. Il donnera au mensuel Sully10, qui paraîtra de 1942 à 1944, un ton très collaborationniste sous l'occupation.

 

 

L’écrivain Jacques Poujol dit de lui que sa pensée oscillait entre monarchisme et antisémitisme11,12. Les critiques théologiques contre la religion juive de Vesper n'ont rien à voir avec l'antisémitisme primaire. Il n'en est en rien racial et est uniquement religieux. Simplement, il souligne fermement en quoi la religion du Christ marque sa différence avec le Judaïsme 13. Vesper ne fait que souligner les manquements du "peuple élu" envers les chrétiens, sur ses devoirs et ses droits de peuple élu choisi par Dieu, son égarement religieux entre le "vrai Israël" et "l'Israël charnel de Marmmon". Dans la plupart des écrits de Noël Vesper, concernant le " peuple élu" il ne fait que rappeler théologiquement son chemin à travers les siècles, ses dérives qui l'ont amené à se dissocier des fondements religieux pour lequel il fut choisi (l'épisode du veau d'or et l'adoration des idoles).

 

 

Dans le Bulletin Sully, reparu à partir d'octobre 1942, Noël Vesper entama une parution suivie des " lettres aux juifs" (10 lettres), qui furent considérées à l'époque antisémite. Mais à leur lecture, aujourd'hui, il est observé une critique théologique de la religion juive, Vesper parle de "péché juif" au même titre qu'il y aurait un « péché protestant, un péché chrétien, un péché français » 14.

 

 

À la suite d'épreuves de santé de plus en plus éprouvantes, Noël Vesper est mis à la retraite en décembre 1943, et est remplacé par un jeune suffragant, André Mercier, qui restera quelques années (1944/1945). Il poursuit néanmoins ses fonctions de pasteur en complément de celle de son remplaçant jusqu'à son décès en 1944.

 

Les circonstances de sa mort:

 

Noël Nougat et son épouse ont été fusillés à la Libération à Buoux, commune du Luberon15. Les circonstances exactes de cette exécution sont controversées. La chronologie des faits serait la suivante : le village de Lourmarin est libéré le 19 août 194416 ; le 21 août 1944, vers les 18 heures quelques "maquisards" se présentent au domicile des époux Nougat, ils demandent à Laure Nougat de les suivre, c'est elle qui est visée. Le pasteur Noël Nougat, dit Vesper, demande à accompagner sa femme. Ils furent dirigés vers le site de la Roche d'Espeil, carrières situées à Buoux où se trouve un camp de FTP dirigé par le commandant "Raphaël", Alphonse Dumay de son véritable nom. L'ensemble du village fut mis au courant de cette arrestation, la foule scandait au pied de leur demeure : "c'est la fête au village". Cette phrase fut à l'origine d'après la rumeur populaire prononcée par Laure Nougat dans une boucherie du village17.

 

 

Selon les uns, c'est un acte de représailles de la Résistance à la suite de la mort de patriotes torturés et fusillés par les allemands à Apt. C'est la rumeur publique persistante qui a longtemps eu cours à Lourmarin.

 

 

Selon les autres, les recherches actuelles indiquent qu'il s’agit d’une exécution sommaire et sans jugement de 14 personnes (8 français et 6 allemands), accomplie sans l'approbation de la Résistance.Le fait que le maquis ait été communiste a pu constituer un contexte favorable à l'exécution hâtive de ce ménage pastoral réputé pour ses convictions d'extrême-droite.

 

 

Œuvres:

 

·         Les exercices sprituels d'Ignace de Loyola, thèse faite en 1905.

·         Les louanges, prix Sully Prud'homme en 1910, inédit à ce jour

·         L'Anticipation à une morale du risque, essai sur la malléabilité, édition Perrin, 1914. C'est son œuvre maîtresse

·         Le sens et l'esprit de la terre, les Terrasses de Lourmarin, 1920

·         L'inquiétude démocratique, les Terrasses de Lourmarin 1922

·         L'intempérance théologique, les Terrasses de Lourmarin, 1922

·         L'impasse métaphysique, les Terrasses de Lourmarin, 1923

·         La barque des Saintes, Les Terrasses de Lourmarin, 1923

·         les poètes, les Terrasses de Lourmarin, conjointement avec Henri Bosco, 1925

·         Les protestants devant la patrie, Littéraire de France, 1925

·         Christianisme ou Démocratie, conférence, Ordre et tradition, 1927

·         Les Protestants - La Patrie - L'église : confession d'un huguenot de France à l'orée du xxe siècle, éd. Librairie académique Perrin, Paris, 1928

·         Perspectives, Politiques, Poètes et Philosophes, Édition Victor et Attinger, 1929

·         Protestantisme ou Démocratie, Les éditions protestantes, 1929

·         Pour Virgile, les terrasses de Lourmarin, 1929

·         La psychologie de l'absolu, vol XX, les terrasses de Lourmarin, 1930

·         Invention de l'Europe, vol. XXVII, éd. Les Terrasses de Lourmarin, 1932

·         Figures de la voie sacrée, Éditions librairie de France, 1932

·         Légimité de la réforme, édition revue Église et Eturgie, 1934

·         Le coup de dé, les Terrasses de Lourmarin, 1941

 

 

Œuvres non publiées:

 

Les manuscrits cités existent, ils sont détenus pour la plupart par la famille

·         Les nations seront jugées (1927), objet de plusieurs articles de publication dans la presse

·         Orphée chez les bêtes (1928), essai et roman

·         L'antéchrist, (1940)

·         Poèmes pour la patrie (1936-1938), éditeur choisi Crès, mais pas de publication

·         L'ostie et le calice, pièce de théâtre en 3 actes (1935-1938)

 

Notes et références:

 

 

 

1.             Cette thèse est l'unique ouvrage qu'il a publié sous son vrai nom.

2.             Henri Bosco, Lettres à Noël Vesper : 1923-1941, éd. Terrasses de Lourmarin, 1986

3.             Contrairement à la légende locale, Henri Bosco n'a jamais participé à la restauration du château de Lourmarin, c'est son ami Noël Vesper qui lui trouva le bastidon à proximité du château.

4.             Robert Laurent-Vibert était l'un de ses témoins de mariage

5.             Le pasteur Jeanneret sera un lecteur attentif des écrits de Vesper dans le bulletin « Sully » et de ses ouvrages, il n’hésitera pas à exprimer parfois publiquement son désaccord sur certains articles parus dans les années 1943/1944.

6.             Musée virtuel du protestantisme français, Les protestants et le régime de Vichy 

7.             Laurent Avezou, Sully à travers l'histoire: les avatars d'un mythe politique, vol.58 de Mémoires et documents de l'École des chartes, p. 464, éd.Librairie Droz, 2001, (ISBN 2900791391)

8.             Église réformée de France, La tentation de l'extrême droite, p. 1992, éd. Olivetan, 2000,(ISBN 2902916728)

9.             (en)Steven. C. Hause, Protetantismin The Columbia History of Twentieth-century French Thought European perspectives, p. 316, éd. Columbia University Press, 2007 ,(ISBN 9780231107907)

10.           Michel Leymarie, Jacques Prévotat, L'Action française, p. 175, éd. Presses Univ. Septentrion, 2008 (ISBN 978-2-7574-0043-2) (notice BnF no FRBNF41241573)

11.           Frank Lestringant, Stefan Zweig contre Calvin (1936), Revue de l'Histoire et des religions,p. 71-94, repère 3, éd.Armand Colin, 2006 

 

 

 

 

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28/11/2023

Un philosophe de confession Luthérienne : Søren Kierkegaard:

 

 

 

 

Données clés:

 

Naissance

5 mai 1813 (CopenhagueDanemark)

 

Décès

11 novembre 1855 (à 42 ans) (Copenhague, Danemark)

 

École/tradition

Luthéranisme, précurseur de l'existentialisme

 

Principaux intérêts

Théologieéthiqueesthétiquelangagemétaphysiquelittérature

 

Idées remarquables

Philosophie existentielle, angoisse (angst), reprise/répétition (gjentagelsen), instant (ojeblikket), théorie des trois stades

 

Œuvres principales

Ou bien... ou bienCrainte et tremblementPost-scriptum aux Miettes philosophiques

 

Influencé par

SocratePlatonAristophaneAristoteSceptiquesShakespeareDescartesLeibnizKantLessingGoetheMozartFichteHegelSchellingMøllerMartensen

 

A influencé ChestovBuberErnst BlochGeorg LukácsJaspersKafkaBarthTillichWittgensteinHeideggerMarcelLacanSartreLevinasAudenGadenneRicœurCamusBoutangFeyerabendDeleuzeDerrida

 

Biographie

 

 

Origines familiales et nom de famille

 

Søren Kierkegaard est issu d'une famille bourgeoise aisée de sept enfants.

Son père, Michael Pedersen (« fils de Pierre »), cinquième garçon d’une famille de neuf enfants, est né en 1756 dans une ferme de Sædding, dans la région d'Esbjerg, tenue en métayage par le grand-père de Søren, Peder Christensen (« fils de Christian »). Cette ferme, située près de l'église de Sædding, était appelée : « ferme de l'église », Kierkegaard en danois de l'époque. Ce nom est alors devenu celui de la famille. Il n'est donc pas en relation étymologique avec le mot kirkegård qui signifie « cimetière » (jardin de l'église).

Michael Pedersen Kierkegaard a quitté le milieu paysan et fait fortune dans le commerce de la bonneterie.

 

Jeunesse

La famille appartient à une communauté piétiste très fervente, ce qui vaut à Søren, selon ses propres dires, « une éducation chrétienne stricte et austère qui fut, à vues humaines, une folie »[.

En 1821, il entre à la Borgerdydsskole (« école de la vertu civique »), une école privée très élitiste où il se fait remarquer par une intelligence hors du commun. En 1831, l’année de la mort de Hegel, il commence des études de théologie à l’université de Copenhague.

 

De 1819 à 1834, la famille est frappée par le destin : sa mère, puis ses trois sœurs aînées et deux de ses frères meurent tour à tour, soit de maladie soit accidentellement, sans jamais dépasser l’âge de 33 ans, ce qui l’amène à croire qu’il ne dépassera pas lui non plus l’âge du Christ. Il vit plongé dans un état mélancolique (nom ancien de la dépression), d'autant plus que son père meurt en 1838. Des neuf membres de la famille, ne survivent alors que lui et son frère Peter.

 

Lors d’un dîner chez des amis communs, un soir du mois de mai 1837, il rencontre la jeune Regine Olsen, dont il s’éprend. En 1840, il la demande même en mariage. Elle accepte, mais un an plus tard, il rompt soudainement avec elle après lui avoir renvoyé son anneau de fiançailles.

La même année, il soutient sa thèse de doctorat sur Le Concept d’ironie constamment rapporté à Socrate. Il part pour Berlin où, de novembre 1841 à février 1842, il suit les cours de Schelling, qui le déçoivent. Il rentre alors à Copenhague.

 

L’écriture philosophique

 

Vivant de la fortune héritée de son père et affirmant n’avoir « pas le temps de [se] marier », il publie en 1843, sous le pseudonyme de Victor Eremita son premier ouvrage important, Ou bien... Ou bien... Il renonce à une carrière de pasteur et s’engage dans une intense production philosophique, dont les résultats les plus remarquables, tous signés d’un pseudonyme différent, sont Le concept d’angoisse (1844), Stades sur le chemin de la vie (1845) et Post-scriptum définitif et non scientifique aux Miettes philosophiques (1846).

Dans ses « Miettes philosophiques » (1844), L'auteur affirme que l'existence de chacun est individuelle et exceptionnelle, irréductible aux groupes et à la famille: « Le devoir de l'individu est d'obéir à sa propre vocation ».


La subjectivité est la base de la vie humaine : toutes les vérités – y compris religieuses – ont besoin d'une appropriation subjective afin de devenir vraies pour l'individu.

Après avoir atteint l’âge inattendu de 34 ans, il donne à son œuvre d’écrivain un tour nettement plus religieux, soucieux de défendre sa vision du christianisme véritable contre l’Église officielle danoise (luthérienne), avec des ouvrages comme la longue série des Discours édifiantsLa maladie à la mort, parfois traduit sous le titre Traité du désespoir, (1849) et L’École du christianisme (1850).

 

En 1854, il s’engage dans de violentes polémiques contre l’Église danoise et ses « 1000 pasteurs salariés » de l’État. Cet événement est connu comme la « guerre contre l’Église » (Kirkestormen). Kierkegaard veut, pour la première fois, agir dans l’actualité (« l’instant ») contre des personnes nommément désignées.

 

La guerre contre l'Église

 

Il commence sa campagne avec une série d'articles dans un quotidien, puis, cinq mois après, avec onze pamphlets qu'il nomme L'Instant (Øjeblikket).

Dans le premier article (décembre 1854), Kierkegaard explique qu'il a été, sa vie durant, empêché de parler franchement de son hostilité à l'Église danoise par respect pour son père et pour un ami de celui-ci, l'évêque luthérien de Copenhague, Mynster. La mort de Mynster lui permet de changer d'attitude et Kierkegaard dit que tous ses écrits antérieurs sont à considérer comme des manœuvres préparatoires, les ruses d'un agent de police pour voir plus profondément.

 

La campagne se caractérise par une constante focalisation sur l'immoralité inhérente d'un christianisme d'État, et par une escalade vertigineuse des invectives et des insultes. Au début, Kierkegaard refuse simplement aux pasteurs, et notamment à Mynster, d'être des « témoins de vérité », puis « ils se moquent de Dieu », deviennent « parjures », négateurs et destructeurs du christianisme pour finir comme « anthropophages ».

 

Piétiste radical, Kierkegaard vomit ce qu'il appelle la « chrétienté culturelle » : l'Église d'État « n'est que culture puisqu'elle cherche à s'adapter au monde et pas au Christ ». Tous ces anathèmes sont lancés avec une constante agressivité, mais en respectant les codes de la pédagogie et de la stylistique. La campagne eut une répercussion énorme au Danemark et dans les autres pays scandinaves. Mais des théologiens (Lindhardt) la jugent « pathologique », tout en reconnaissant son importance, et des historiens danois (Danstrup & Koch) la trouvent « maladive ».

Engagé jusqu'à sa fin

 

En pleine campagne, traqué par la presse de l'époque, moqué par ses contemporains, alors qu'un numéro de Øjeblikket est sous préparation, Kierkegaard meurt à l’âge de 42 ans, à l’hôpital, après s’être effondré dans la rue au cours d’une promenade. Epuisé et pauvre, il écrit dans un des ses journaux : « J'ai toujours fait partie de la minorité, et je veux appartenir à la minorité, et j'espère qu'avec l'aide de Dieu, cela me servira jusqu'à ma fin glorieuse »

 

Présentation générale de sa pensée

 

 

« Il s'agit de comprendre ma destination, de voir ce que Dieu veut proprement que je fasse. Il s'agit de trouver une vérité qui soit vérité pour moi, de trouver l'idée pour laquelle je veux vivre et mourir ».
« Kierkegaard répond à certaines questions fondamentales : Comment devenir humain ? Comment devenir soi-même ? Il montre aussi comment exister en tant que chrétien et ce qu'est la Foi. Et pour lui, l'accomplissement de la liberté de l'homme est en Dieu  »

Le philosophe

 

 

Kierkegaard débute en philosophie par une thèse sur la pratique de l'ironie socratique, dissociant Socrate de Platon à la suite de Hegel et précédant en cela Nietzsche, et analysant aussi l'ironie théorisée par les romantiques allemands. Contrairement à certains préjugés, Kierkegaard connaissait bien l'histoire de la philosophie, que ce soit la philosophie ancienne (ses références à PlatonAristote et aux Sceptiques sont fréquentes) ou la philosophie moderne (de Descartes jusqu'à Hegel et ses zélateurs). En revanche, il connaît mal la philosophie médiévale (notamment l'école thomiste) et partage très largement le mépris dont l'entourèrent Érasme et Luther ; il faudra attendre le néo-thomisme de la fin du XIXe siècle, dans le sillage duquel Heidegger écrivit sa thèse sur Duns Scot, pour que les grands penseurs se penchent à nouveau sur cette période de l'histoire de la philosophie.

 

Kierkegaard est généralement reconnu comme le précurseur de l'existentialisme depuis Jean Wahl et Jean Beaufret, étiquette néanmoins de plus en plus contestée, par exemple par Hélène Politis (voir bibliographie). Il s'est opposé à la philosophie hégélienne, parce que selon lui les philosophies systématiques sont des « palais vides » que leurs auteurs n'habitent pas, c'est-à-dire des édifices abstraits qui sont coupés de la réalité de l'existence concrète et humaine. Il retient néanmoins du hégélianisme la notion de « dialectique » pour l'appliquer non plus à une « Logique » systématique mais à la réalité de l'existence concrète, avec ses imprévus, ses doutes, ses tourments et ses « tonalités affectives ». La dialectique ou reprise se comprendra désormais en termes de « saut » qualitatif dans l'existence, par nature absurde, qui inspirera les notions existentialistes de choix, de responsabilité et d'engagement, où la justification n'est qu'un leurre.

 

Son œuvre a une charpente conceptuelle forte, sans toutefois être un système, qui n'a rien à envier aux plus grands. Kierkegaard conceptualise et met en relation les tonalités affectives[ (« angoisse », « désespoir »), livrant ainsi une psychologie philosophique. Cette attention aux "tonalités affectives" jouera un rôle essentiel dans l'œuvre de Martin Heidegger. Il expose une théorie du temps (de l'« instant » et de la « répétition »), de l'instant comme "carrefour du temps et de l'éternité", et des « stades » de l'existence[21] (esthétique : rapport de l'homme à la sensibilité ; éthique : rapport de l'homme au devoir ; religieux : rapport de l'homme à Dieu) qu'il ne faut pas comprendre de manière chronologique ni de manière logique mais plutôt de manière « existentielle » ; en outre il s'interroge sur les problèmes du langage, notamment la communication (communication directe ou indirecte), le silence et la subjectivité de celui qui parle.

 

Le théologien

 

 

Fervent chrétien et brillant théologien, il s'opposera à l'Église danoise de l'époque, église luthérienne d'État, au nom d'une foi individuelle et concrète. En effet, la religion, l'institution ecclésiastique, la communauté des croyants, forment ce que Kierkegaard appelle la chrétienté, et représentent l'hypocrisie (aller au sermon pour bien se faire voir de la société) et la répression de l'individualité, laquelle s'épanouit au contraire dans le christianisme comme foi vécue, pleine de doutes et d'apprentissages intérieurs, le « devenir-chrétien ». Il écrit ainsi des Discours édifiants (1843-1847), rédigés dans un style personnel s'adressant à la singularité de l'auditeur, qu'il publie à côté de ses œuvres philosophiques et littéraires. Kierkegaard souhaite ainsi restaurer un luthéranisme pur et originel, où la foi prime les œuvres et les justifications ; il théorise par ailleurs longuement la notion de « scandale », d'inspiration biblique, qu'il couple avec la notion philosophique de paradoxe. Le paradoxe, qui maintient définitivement les deux éléments contradictoires, lui permet de rejeter la dialectique comme élément et démarche essentiels de la pensée.

L'écrivain

 

Le travail de Kierkegaard est parfois difficile à interpréter, car il a écrit la majorité de ses premières œuvres sous divers pseudonymes, qui sont autant de personnages inventés, certains s'opposant ouvertement les uns aux autres, et souvent ces pseudo-auteurs commentent les travaux des pseudo-auteurs précédents (par exemple Johannes Climacus et Anti-Climax). Deleuze s'en souviendra lorsqu'il théorisera les personnages conceptuels. Kierkegaard révèle ainsi une profonde créativité littéraire et poétique, qui transpire à travers toutes ses œuvres. Il peut donc être considéré comme un écrivain et un théoricien de la littérature, s'intéressant aux auteurs tant anciens (AristophanePlaton) que modernes (ShakespeareGoethe, et son contemporain Andersen), écrivant lui-même, y compris des pièces de théâtre ; s'intéressant au mythe tragique, à la comédie (farce, vaudeville) et commentant longuement Lessing.

 

Philosophie

 

L'ironie et le doute

 

Dans sa thèse de doctorat, Le Concept d'ironie constamment rapporté à Socrate (1841), Kierkegaard oppose l'ironie socratique à l'ironie moderne des romantiques. À la suite de Hegel, il conçoit l'ironie socratique comme la faculté de négation universelle et illimitée. En effet, Socrate amenait son interlocuteur à nier sa propre position au cours d'un dialogue de type dialectique, c'est-à-dire consistant en questions et réponses argumentées. Socrate feignait de ne rien savoir, et critiquait tous ceux qui prétendaient détenir un savoir, notamment les Sophistes. Kierkegaard se pose en continuateur de l'ironie socratique, et défend l'idée d'une négation absolue face au système hégélien qui prétendait résorber la négation dans le troisième moment, spéculatif et positif. Kierkegaard nie ainsi que les systèmes de l'idéalisme allemand aient dépassé l'ironie socratique, ainsi que la skepsis des Sceptiques et le doute hyperbolique de Descartes, qui sont tous trois, selon Kierkegaard, des attitudes existentielles plus que des doctrines.

 

Kierkegaard met ainsi en parallèle la foi et le doute, qui sont deux attitudes qui se répondent et qui engagent profondément l'homme dans l'existence, bien plus que ne le ferait une doctrine faite de raisons arbitraires et de justifications inutiles. Ces dernières arrivent après la décision existentielle, mais ne peuvent en aucun cas la fonder, et restent superficielles. C'est pour cela que Kierkegaard déclare que « l'instant de la décision est une folie » : on ne peut jamais prévoir les ultimes conséquences de notre saut dans l'existence. De même, Kierkegaard affirme que « plaider discrédite toujours » (Kierkegaard prend ici l'exemple de l'amoureux : demander à quelqu'un pourquoi il aime telle personne, c'est absurde, et même offensant : donner des justifications, c'est montrer que cet amour ne tient pas ; il en est de même de la foi religieuse : il n'y a qu'une différence de degré entre aimer et croire[29]). Le rôle de l'ironie sera donc d'éliminer ces raisons et ces justifications qui font de l'homme un hypocrite, pour le mettre face à son existence et à ses choix. Plus profondément, l'exercice de l'ironie a pour but de défaire les systèmes métaphysiques et scientifiques qui prétendent absorber la contingence de la vie particulière de l'individu. L'ironie est une négativité pure à laquelle rien ne résiste, face à laquelle tout est contingent, même les doctrines prétendument closes et immuables. Quelqu'un qui décide de douter, peut le faire indéfiniment, quoi qu'on lui oppose (bien que cela se rapproche du fanatisme). On pourrait objecter que le doute, à force de s'exercer sur tout, s'emporte lui-même : le doute détruit le doute et fonde la certitude. Mais ce serait à nouveau faire du doute une doctrine (par exemple dialectique, à l'instar de Hegel) et non une attitude singulière.

 

Kierkegaard préfigure l'interprétation de Descartes que donnera Ferdinand Alquié (le doute comme attitude existentielle), contre Martial Guéroult qui fera de Descartes un penseur systématique livrant une métaphysique ordonnée (ce qui se passe quand on lit le doute cartésien comme s'auto-annulant et fondant la certitude de la pensée ordonnée).

 

Subjectivité et foi

 

Deux des idées populaires de Kierkegaard sont la « subjectivité » et la « foi ». Le saut de la foi est sa conception de la manière dont un individu peut croire en Dieu, ou comment une personne peut agir par amour. Il ne s'agit pas d'une décision rationnelle, car elle transcende la rationalité en faveur de quelque chose de surnaturel : la foi, en tant qu'absolu, paradoxe au-delà de la raison. Il pense ainsi que la foi s'accompagne en même temps et paradoxalement du doute. Ce doute met en branle le repos que pourrait procurer la Foi. De fait, l'angoisse s'empare du chrétien, le tiraille et le met face à Dieu. « Le doute introduit, c'est comme le choléra, on ne le chasse plus. Toute défense scientifique ne fait donc que le nourrir, tout essai d'amélioration sociale nourrit le doute. Seuls Dieu et l'éternité ont assez de force pour maîtriser le doute (qui est précisément la force rebelle de l'homme contre Dieu) » Le doute est un élément essentiel de la foi, un fondement. Exprimé plus simplement, croire en Dieu ou avoir foi en son existence, sans jamais avoir douté de son existence ou de sa qualité de Dieu, ne serait pas une foi valable ou méritante. Par exemple, aucune foi n'est exigée pour croire en l'existence d'un crayon ou d'une table, quand on les regarde et les touche. Au contraire, croire ou avoir foi en Dieu consiste à savoir qu'il n'existe aucune perception ou autre accès à Dieu, et pourtant garder sa foi. La foi se caractérise ainsi par le risque, le danger, ce n'est pas une position confortable et sécuritaire. On retrouve ici l'idée du pari pascalien, dirigé contre le Dieu rationnel des philosophes. Croire, c'est prendre le risque que Dieu n'existe pas, car Dieu est indémontrable. La foi est essentiellement dialectique, elle naît de l'échec de la pensée rationnelle poussée à son paroxysme.

 

Kierkegaard souligne également l'importance de la conscience, et la relation de la conscience au monde comme étant fondés sur la conscience de soi et l'introspection. Il soutient dans Post-scriptum définitif et non scientifique aux miettes philosophiques que « la subjectivité est vérité » et que « la vérité est subjectivité ». Cette idée paradoxale ressort d'une distinction entre ce qui est objectivement vrai et la relation subjective qu'entretient un individu avec cette vérité (indifférence ou engagement). Pour Kierkegaard, des gens qui « dans un certain sens » croient aux mêmes choses, peuvent se référer à cette croyance de manière différente. Deux personnes pourraient croire toutes deux que beaucoup de gens autour d'eux sont pauvres et méritent de l'aide, mais cette connaissance peut mener seulement l'une des deux à décider d'aider réellement les pauvres.

 

Cependant, Kierkegaard discute de la subjectivité au travers principalement des questions religieuses, espace pour lui de toutes les questions et réponses. Encore une fois, il soutient que le doute est un élément de foi, et qu'il est impossible d'obtenir une certitude objective à propos d'une doctrine religieuse telle que l'existence de Dieu ou la vie du Christ. Le mieux qu'un individu puisse espérer serait d'arriver à la conclusion qu'il est probable que les doctrines chrétiennes soient véridiques, mais si une personne devait croire de telles doctrines seulement parce qu'elles semblent probablement vraies, il est certain que cette personne ne serait pas véritablement religieuse. La foi serait donc constituée par une relation subjective avec l'engagement absolu pour ces doctrines

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La répétition ou la reprise

 

 

Kierkegaard fait de la répétition ou reprise (dont il présente le concept dans l’ouvrage éponyme de 1843) la vérité du temps et de l’existence : elle seule peut arracher le premier à sa fuite indéfinie et vaine et la seconde à sa tragique absurdité. À égale distance, d’une part, de la réminiscence platonicienne ou de l’habitude triviale (qui attachent au passé et ne produisent que de l’identique) et, d’autre part, de l’attrait du nouveau ou de la frénésie du changement (qui propulsent vers l’avenir et n’engendrent qu’altérité et altération), la répétition réconcilie, dans l’instant, le temps et l’éternité, le même et l’autre, le re- et le nouveau du renouveau (ou de la renaissance). « La reprise est le pain quotidien, une bénédiction qui rassasie. […] La reprise est la réalité, le sérieux de l’existence. » (Søren Kierkegaard)

 

Pourtant ce prétendu sésame philosophique a d’abord des accents étrangement anecdotiques (et autobiographiques) puisqu’il renvoie explicitement à la reprise (à l’espérance ou à la tentative de reprise) d’une relation amoureuse qui a été précédemment et volontairement rompue. Il donne lieu aussi à une tentative de retour, artificiel et d’avance voué à l’échec, sur les lieux d’un passé heureux (un voyage à Berlin), dans le projet d’y revivre exactement la même expérience. Mais tout cela tourne inévitablement au fiasco, comme s’il ne s’agissait que de dévoiement ou de fourvoiement (sur le mode esthétique ou éthique) de la vraie reprise.

 

Car la répétition ou la reprise authentique n’a de sens que sur un plan religieux, c’est-à-dire au paroxysme de la foi, à la frontière de l’absurde et du miraculeux. Si elle échappe à la stérilité de l’habitude et du ressassement, c’est par ce qui entre en elle de transcendant ou parce qu’elle touche à la transcendance. « La reprise est et demeure une transcendance. » (Søren Kierkegaard) « La reprise a pour fin d’abolir la temporalité afin de déboucher sur la perfection, l’absolu, l’infini qui se situent au-delà de toute temporalité. »  Le meilleur modèle qu’en propose Kierkegaard est celui de Job, le patriarche biblique : fidèle à Dieu et gâté de Lui, il subit tous les revers de fortune, sans faiblir ni douter ni céder à l’opinion commune (exprimée par ses amis bien-pensants) et, du fond de sa déchéance, il ose encore tenir tête à Dieu et revendiquer son droit. Alors Dieu lui donne raison et le rétablit dans tous ses biens, majorés d’un intérêt substantiel. Que retenir de cet exemple ? D’abord que tout se passe au plus intime d’une expérience singulière, chez un témoin et dans une situation véritablement uniques. Et puis que la reprise commence par la perte ou le sacrifice, au nom de l’absolu, de ce qui avait spontanément été pris ou reçu dans son immédiateté et sa jouissance innocente. C’est même ce renoncement ou cette négation du relatif (tenu pour mort) qui rend possible sa soudaine transfiguration ou sublimation (qui est pour lui comme une résurrection et une accession à la vie éternelle). Car, au bout du compte (par une sorte de dialectique qui n’a plus rien d’hégélien dans la mesure où le travail du négatif ne débouche plus ici sur un pas en avant dans le temps mais sur un saut dans l’au-delà… avec donc un changement de plan radical), ce qui avait été perdu se trouve rendu au centuple. « La mort loge au cœur du temps assassin »  comme on l’a toujours reconnu depuis Héraclite ; mais avec la foi chrétienne en la résurrection, comme le dit saint Paul dans son épître aux Corinthiens, « la mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire ? […] On sème de la corruption et il ressuscite de l’incorruptible : on sème de l’ignominie et il ressuscite de la gloire ; on sème de la faiblesse et il ressuscite de la force. » Cela s’applique aussi, littéralement, au temps lui-même : tout instant qui se présente nous enlève à jamais tout ce que nous étions, mais il nous restitue aussi, intact et même ouvert sur un potentiel indéfini, tout ce que nous sommes et avons à devenir : c’est-à-dire, pour chacun, soi-même… l’éternellement unique. « C’est pourquoi l’éternité se cache aussi à l’intérieur du temps, prête à le ressusciter à chaque instant, et c’est en fait la vie entière qui doit être vécue comme une reprise. »

 

Les affects

 

 

S. Kierkegaard prend toujours les affects tels que scrupule, crainte, désespoir, angoisse, etc., non comme de simples catégories (cf. Kant) psychologiques, mais comme des modalités dévoilant des possibilités à chaque fois spécifiques de l'existence. C'est en suivant le fil de ces différents « affects » que vont pouvoir seulement s'ouvrir ces possibilités.

 

L'angoisse

 

Kierkegaard prend « l'angoisse » comme fil conducteur, dans le Concept de l'angoisse, pour explorer de quelle manière la liberté s'atteste elle-même à l'existence singulière, de façon paradoxale, seul un être libre pouvant faire l'expérience de l'angoisse - expérience de la liberté comme fardeau et obstacle. L'angoisse est le « vertige du possible », on la ressent lorsque l'on est confronté à une infinité de possibilités et qu'il faut faire un choix. L'angoisse, contrairement à la peur, n'a donc pas d'objet déterminé. On a peur « de quelque chose », mais on n'angoisse pas « de quelque chose ». L'angoisse est indéterminée, elle met en branle l'ensemble de l'existence. Heidegger dira que l'angoisse met en branle l'ensemble de l'être, et nous fait apercevoir le néant

Nous portons la lourde responsabilité de ce choix, et de plus nous ne pouvons pas prévoir si ce choix sera bon ou pas. L'existence se caractérise par son aspect foncièrement contingent et imprévisible, l'homme doit donc se risquer à choisir et à agir sans pouvoir maîtriser totalement son avenir. C'est le sens du « saut » dans l'absurde. Aucune doctrine, aucun système philosophique ou scientifique, aucune dogmatique religieuse ne peuvent rassurer l'homme quant à ses choix, il doit les faire en âme et conscience en dernière instance.

 

La maladie à la mort

 

Emphatiquement dans La Maladie à la mort (autre traduction du Traité du désespoir) mais également dans Crainte et tremblement, Kierkegaard expose que les hommes sont composés de trois parties : le fini, l'infini, et la relation entre les deux qui crée une synthèse. Les finis (les sens, le corps, la connaissance) et les infinis (le paradoxe et la capacité à croire) existent toujours dans un état de tension. Cette tension, consciente de son existence, est l'individu. Lorsque l'individu est perdu, insensible ou exubérant, la personne est alors dans un état de désespoir. Notamment, le désespoir n'est pas l'agonie et ne se résume pas à un simple sentiment ; c'est, au lieu de cela, la perte de l'individu, la négation du « moi » par un désordre dans la synthèse.

 

Les formes de désespoir

 

 

À l'intérieur du concept de désespoir, Kierkegaard distingue plusieurs étapes ou degrés qui mènent l'homme non religieux ou « homme naturel » à la Foi. Dans la destinée de cet individu, trois étapes fondamentales le conduisent à la contemplation divine : le stade esthétique, éthique puis religieux. L'individu a-religieux ou non-religieux se trouve dans le désespoir-faiblesse dans un premier temps ; en ce sens où il n'a pas conscience de son désespoir, vivant dans l'Instant, la luxure. L'individu esthète ne pourra finalement, pour feindre de ne pas tomber dans le désespoir, que se répéter ou plutôt que se ressouvenir des plaisirs instantanés passés, à la manière des Philistins dans le Nouveau Testament. Par la suite, l'individu peut être enclin à se délivrer de ce désespoir-faiblesse par une lutte pour retrouver son Moi et par là sa liberté. Ce combat est suivi du désespoir-défi ou l'on veut être soi-même, c'est-à-dire dans une recherche de la Vérité, de l'éternité et d'autre part dans une prise de conscience de sa finitude. Le désespoir-faiblesse apparait lorsque le désespéré ne veut point être lui-même. Mais rien qu'à un degré dialectique de plus, si ce désespéré sait enfin pourquoi il ne veut point l'être, alors tout se renverse, et nous avons le défi, justement parce que, désespéré, il veut être lui-même. Ainsi, le rapport à son Moi est infini, reflet de l'éternité. Cependant, cet infini n'est pas rapporté à Dieu mais lié au temporel. Ce n'est qu'un sérieux frauduleux : comme le feu volé par Prométhée aux dieux ici on vole à Dieu la pensée qu'il nous regarde, et c'est là le sérieux ; mais le désespéré ne fait que se regarder, en prétendant ainsi conférer à ses entreprises un intérêt et un sens infinis, alors qu'il n'est qu'un faiseur d'expériences. En somme, le Moi ne peut se retrouver dans l'infini sans Dieu ; car le Moi ne peut se démultiplier pour devenir plus qu'il n'est. Cette recherche du moi présente ses limites puisque son action reste hypothétique et tourne finalement à vide si ce Moi reste actif. Si ce Moi désespéré est passif, niant « les donnés concrètes », alors il reste aliéné intérieurement. Ce désespéré se perd dans des tourments concrets (montrer sa domination infinie sur le reste des hommes et se justifier à travers autrui). Il a formé d'abord une abstraction infinie de son moi, mais le voila à la fin devenu si concret qu'il lui serait impossible d'être éternel dans ce sens abstrait, alors que son désespoir s'obstine à être lui-même. Le prix de cette recherche du Moi est finalement ce défi devant Dieu, en ne se remettant qu'au temporel, le sujet refuse le secours divin en se rendant prisonnier de son Moi fini. Au lieu de s'en reporter à l'éternité, il fait sien tout ce que son Moi ne peut atteindre (l'épine dans la chair). Ainsi, le désespoir-défi apparaît.

 

Communication indirecte et pseudonymes d'auteur

 

La moitié des travaux de Kierkegaard a été écrite sous le masque de divers personnages-pseudonymes qu'il créa pour représenter ses différentes manières de penser. C'est là une partie de la communication indirecte de Kierkegaard. D'après plusieurs passages de son travail et de ses journaux, tel Point de vue explicatif de mon œuvre d'écrivain, Kierkegaard rédigea de cette façon afin d'empêcher ses travaux d'être traités comme un système philosophique avec une structure systématique. Dans cet ouvrage posthume, il écrit : « Dans les travaux pseudonymes, il n'y a pas un mot simple qui est le mien. Je n'ai aucune opinion au sujet de ces travaux sinon en tant que tierce personne, aucune connaissance de leur signification, excepté comme un lecteur, pas la moindre relation privée ou distanciée avec eux. »

 

Kierkegaard a employé la communication indirecte pour empêcher ou gêner ceux qui chercheraient à s'assurer que l'auteur soutient réellement les idées présentées dans ses œuvres. Il a espéré que les lecteurs liraient simplement son travail pour sa valeur informelle, c'est-à-dire sans chercher à l'attribuer et l'interpréter selon certains aspects de sa vie. Kierkegaard cherchait également à éviter que le lecteur considère son travail comme un système faisant autorité. Il voulait plutôt que le lecteur trouve par lui-même des manières de l'interpréter. Kierkegaard pensait aussi que la communication indirecte (telle l'ironie de Socrate) était le seul moyen de mener le lecteur au delà de l'auteur. Dans la mesure où l'enjeu de son œuvre était de faire non pas des disciples de Kierkegaard, mais des disciples du Christ, le mode de communication ne pouvait qu'être indirect (voir les Miettes philosophiques).

 

 

Première réception

 

Les premiers commentateurs, tel Theodor W. Adorno, ont négligé les intentions de Kierkegaard et prétendu que l'intégralité de la production écrite de Kierkegaard devait être analysée comme étant les propres idées personnelles et religieuses de l'auteur. Mais cette approche mène nécessairement à certaines confusions et contradictions et rendent alors Kierkegaard incohérent. Ainsi, des commentateurs ultérieurs, H-B. Vergote notamment, ont choisi de respecter les intentions de Kierkegaard et ont interprété son travail en laissant aux textes pseudonymes leurs auteurs respectifs. Pour eux, il s'est agi de comprendre le travail philosophique de Kierkegaard en sa spécificité, et non de réduire Kierkegaard à sa seule biographie ou à son prétendu profil psychologique.

 

Théologie et existentialisme

 

Le théologien jésuite Henri de Lubac évoque Kierkegaard dans Le Drame de l'humanisme athée (1942), avec Dostoïevski, comme un penseur chrétien contre la barbarie moderne, à côté de l'impasse de l'humanisme athée (lequel mène au nihilisme et est impuissant à combattre les horreurs à venir au XXe siècle, selon l'auteur) représenté par le quadrivium FeuerbachMarxComte et Nietzsche. Kierkegaard fut de manière plus générale très influent dans les milieux théologiques (notamment pour sa conception de Dieu comme événement transcendant et inaccessible, en réaction au rationalisme hégélienprotestants (BarthTillich) et catholiques, à l'instar de Pascal, à qui on le compare parfois.

 

 

Le philosophe royaliste et catholique Pierre Boutang, dans l'Apocalypse du désir (1979, rééd. 2009), joint Kierkegaard aux Pères de l'Église dans ses influences pour repenser le désir dans l'optique d'une métaphysique chrétienne.

 

Kierkegaard eut également une grande influence sur la philosophie existentialiste lors de la première moitié du XXe siècle, mais il semble que celle-ci ait fait de nombreux contresens sur la pensée du Danois, en plus de nier sa qualité de philosophe en tant que tel (voir par exemple les écrits de JaspersSartreMarcel ou encore Camus). De même, Kierkegaard a influencé le philosophe Heidegger, qui lui a repris des concepts phares comme l'angoisse ou la répétition. Heidegger dira d'ailleurs : « Mon compagnon de route dans la recherche fut le jeune Luther et mon modèle Aristote, que le premier détestait. Kierkegaard me donnait des impulsions, et les yeux, c'est Husserl qui me les a implantés ». Mais Heidegger fut finalement ingrat à l'égard de son prédécesseur, déclarant plus tard avec arrogance que « Kierkegaard n'est pas un penseur, mais un auteur religieux », et ne le citant que rarement lorsqu'il réinterprète les concepts qu'il lui emprunte (exception faite de notes dans Être et Temps).

 

En résumé, la théologie chrétienne récupère Kierkegaard en tant que théologien ennemi du rationalisme (notamment athée) essentiellement, et la philosophie existentialiste « laïcise » la pensée de Kierkegaard tout en le réduisant à un auteur religieux et autobiographique.

 

Philosophie postmoderne

 

La deuxième moitié du XXe siècle semble manifester la réhabilitation de Kierkegaard parmi les représentants majeurs de la philosophie en tant que telle (et non seulement de la théologie ou de l'autobiographie). Gilles Deleuze présente Kierkegaard comme un philosophe de la différence et de la répétition, avec Nietzsche et Charles Péguy, dans Différence et répétition (1968), et comme un brillant inventeur de personnages conceptuels dans Qu'est-ce que la philosophie ? (1991), avec ses pseudonymes, ses analyses de Don JuanFaustAhasvérus et le Séducteur, n'ayant rien à envier à Nietzsche et son Zarathoustra. Kierkegaard est ainsi souvent rapproché de Nietzsche (par Jacques Colette par exemple, cf. la bibliographie), parce qu'il combat l'hyperrationalisme, réhabilite la notion de « devenir », revalorise l'individualité contre la masse, critique l'hypocrisie morale et l'idôlatrie religieuse, et s'intéresse à l'art et à la littérature comme à des phénomènes essentiels.

 

Dans le même ordre d'idées, une autre valorisation improbable de Kierkegaard est née : la réinterprétation de sa conception de la subjectivité par le philosophe des sciences Paul Feyerabend. Ainsi, ce dernier écrit : « N'est-il pas possible que la science telle que nous la connaissons aujourd'hui, ou la « recherche de la vérité » dans le style philosophique traditionnel, engendre un monstre à l'avenir ? N'est-il pas possible que l'approche objective qui rejette les relations personnelles entre les entités examinées soit dommageable pour les gens, les rende malheureux, hostiles, comme des machines autosatisfaites sans charme ni humour ? « N'est-il pas possible, demande Kierkegaard, que mon activité d'observateur objectif [ou critico-rationnel] de la nature affaiblisse ma qualité d'être humain ? » Je soupçonne que la réponse à quelques-unes de ces questions soit affirmative, et je crois qu'une réforme des sciences qui les rende plus anarchistes et plus subjectives (au sens de Kierkegaard) est urgente et nécessaire. »

 

Jacques Derrida, quant à lui, convoque Kierkegaard pour une méditation profonde sur la mort et le cas d'Abraham.

Kierkegaard est alors vu comme un véritable philosophe, non comme un simple auteur autobiographique ou dévot. On le considère comme le représentant d'un certain pluralisme philosophique, d'un refus de l'objectivité froide qui nie la dignité humaine (Paul Feyerabend) ou d'une métaphysique nouvelle qui ne réduit pas la différence à l'identique (Gilles Deleuze).

Programme scolaire

 

Kierkegaard est également au programme scolaire de terminale en France, ce qui signifie qu'il peut être étudié pour l'oral du baccalauréat et pour la préparation de l'agrégation.

Références

 

Dans le film du réalisateur danois Carl Theodor DreyerOrdet (en français, La parole, 1955), adapté de la pièce de théâtre de Kaj Munk, 1925, le personnage Johannes, second fils du pasteur Morten Borgen, paraît devenir fou après s'être consacré à la lecture de Kierkegaard. Reprochant à ses proches leur absence de foi, il prétend lui-même s'identifier au Christ ; l'histoire tourne pour une grande part autour de son comportement étrange et qui semble à presque tous relever de la folie.

 

Liste des pseudonymes

 

Les pseudonymes les plus importants de Kierkegaard, dans l'ordre chronologique :

  • Victor Eremita, rédacteur de Ou bien... ou bien
  • A, auteur de nombreux articles dans Ou bien ... ou bien
  • Juge William, auteur des réfutations à A dans Ou bien ... ou bien
  • Johannes de Silentio, auteur de Crainte et tremblement
  • Constantin Constantius, auteur de la première moitié de La répétition
  • Jeune Homme, auteur de la deuxième moitié de La répétition
  • Vigilius Haufniensis, auteur de Le concept d'angoisse
  • Nicolaus Notabene, auteur des Préfaces
  • Hilarius le Relieur, rédacteur des Étapes sur le chemin de la vie
  • Johannes Climacus, auteur des Miettes philosophiques... et de Post-scriptum...
  • Inter et inter, auteur de La crise et une crise dans la vie d'une actrice
  • H.H., auteur de Deux essais éthico-religieux
  • Anti-Climacus, auteur de La maladie à la mort et de Pratique dans la chrétienté.

Principales œuvres

 

 
 
 
 

(par ordre chronologique)

 

  • Les papiers d'un homme encore en vie. Essai sur un roman de Hans Christian Andersen (Af en endnu Levendes Papirer) (1838)
  • Thèse : Du concept d’ironie constamment rapporté à Socrate (1841)
  • Ou bien... ou bien ou L'alternative, (Enten - Eller) (1843)
  • Johannes Climacus, ou, Il faut douter de tout (1843, posthume)
  • Discours édifiants (1843-1847)
  • Crainte et tremblement, lyrisme dialectique, (Frygt og Bæven) (1843)
  • Le Journal du séducteur, (Forförerens Dagbog) (1843)
  • La répétition, un essai de psychologie expérimentale ou La reprise, (Gjentagelsen) (1843)
  • Miettes philosophiques, (Philosophiske Smuler) (1844)
  • Préfaces, lectures amusantes pour certaines classes sociales suivant les temps et les circonstances, par Nikolaus Notabene (1844)
  • Du concept d’angoisse, (Begrebet Angest) (1844)
  • Etapes sur le chemin de la vie, (Stadier paa Livets Vei) (1845)
  • Coupable ? Non coupable ? (1845)
  • L’histoire d’une passion (1845)
  • Expérience psychologique, par Frater Taciturnus (1845)
  • Post-scriptum définitif et non scientifique aux miettes philosophiques par Johannes Climacus, publié par Sören Kierkegaard (1846)
  • Un compte rendu littéraire (1846)
  • Discours édifiant à plusieurs points de vue (1847)
  • Les actes de l’amour. Quelques méditations chrétiennes sous forme de discours (1847)
  • Discours chrétiens (1848)
  • Traité du désespoir ou La Maladie mortelle, exposé de psychologie chrétienne pour l’édification et le réveil, par Anticlimacus (Sygdommen til Døden) (1849)
  • Le lis des champs et l’oiseau du ciel. Trois discours pieux (1849)
  • Deux petits traités éthico-religieux (1849)
  • Sermons sur la communion du vendredi (1849-1851)
  • L’école du christianisme, par Anticlimacus (1850)
  • Pour un examen de conscience, recommandé aux contemporains (1851)
  • Juge-toi toi-même (1851)
  • Sur mon œuvre d'écrivain (1851)
  • L’instant (1855)
  • Hvad Christus dømmer om officiel Christendom. 1855. (Ce que le Christ juge du christianisme d'état.)
  • Point de vue explicatif de mon œuvre d'écrivain (posthume)
  • Journal (posthume)

Éditions en français

 

(par ordre chronologique)

 

  • Œuvres Complètes, L'Orante, 1966-1984. 20 vol. Traduction par Paul-Henri Tisseau
  • Le concept de l'angoisse, Paris, Gallimard, "Folio Essais", 1977, ISBN 2-07-035369-9
  • Etapes sur le chemin de la vie, Paris, Gallimard, « Tel », 1979, ISBN 2-07-028688-6
  • Ou bien... ou bien..., Paris, Gallimard, « Tel », 1984, ISBN 2-07-070107-7
  • Traité du désespoir, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 1988, ISBN 2-07-032477-X
  • Miettes philosophiques / Le concept de l'angoisse / Traité du désespoir, Paris, Gallimard, « Tel », 1990, ISBN 2-07-071961-8
  • Le Journal du séducteur, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 1990, ISBN 2-07-032516-4
  • Oeuvres, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1993, éd. Régis Boyer (contient Ou bien...Ou bienLa RepriseStades sur le chemin de la vieLa Maladie à la mort), dans les traductions de Paul-Henri et Else-Marie Tisseau, ISBN 2-221-07373-8
  • Les miettes philosophiques, Paris, Le Seuil, « Points-Essais », 1996, ISBN 2-02-030705-7
  • Johannes Climacus ou Il faut douter de tout, Paris, Rivages, « Rivages poche /Petite Bibliothèque », 1997, ISBN 2-7436-0228-7
  • Crainte et tremblement, Paris, Rivages, « Rivages poche / Petite Bibliothèque », 2000, ISBN 2-7436-0587-1
  • Post-scriptum aux Miettes philosophiques, Paris, Gallimard, « Tel », 2002, ISBN 2-07-076585-7
  • La Répétition, Paris, Rivages, « Rivages poche / Petite Bibliothèque », 2003, ISBN 2-7436-1077-8
  • Exercice en christianisme, Paris, Éditions du Félin, 2006, ISBN 2-86645-630-0
  • La maladie à la mort, Paris, Fernand Nathan, « Les Intégrales de Philo », 2006, ISBN 2-09-182516-6
  • La Reprise, Paris, GF-Flammarion, 2008, ISBN 2-08-121419-9
  • In vino veritas, Paris, L'Herne, 2011, ISBN 9782851979407
  • La Crise ou une crise dans la vie d'une actrice, Paris, Rivages poche (Petite Bibliothèque), 2012
  • Correspondance, Paris, Éditions des Syrtes, 2003.

 

Bibliographie francophone

 

  • Kierkegaard. Retour de Kierkegaard / Retour à KierkegaardKairosno 10, 1997.
  • Kierkegaard et la raison philosophiqueArchives de philosophie, tome 76, numéro 4, octobre-décembre 2013.
  • Søren Kierkegaard et la critique du religieuxNordiques, numéro 10, printemps-été 2006.
  • Rodolphe Adam, Lacan et Kierkegaard, Paris, PUF, 2005.
  • Theodor W. AdornoKierkegaard. Construction de l'esthétique (1933), Payot, 1979.
  • Chantal Anne, L'amour dans la pensée de Soren Kierkegaard: Pseudonymie et polyonymie, L'Harmattan, 1991
  • Philippe ChevallierÊtre soi. Actualité de Søren Kierkegaard, Paris, François Bourin, coll. « Actualité de la philosophie », 2011.
  • David Brezis, Temps et présence, Essai sur la conceptualité kierkegaardienne, Paris, Vrin, 1991.
  • David Brezis, Kierkegaard et les figures de la paternité, Paris, Cerf, 1999.
  • David Brezis, Kierkegaard et le féminin, Paris, Cerf, 2001.
  • Olivier Cauly, Kierkegaard, Paris, PUF, 1991.
  • Léon ChestovKierkegaard et la philosophie existentielle. Vox clamantis in deserto, Paris, Vrin, 1938.
  • André Clair, Pseudonymie et paradoxe, La pensée dialectique de Kierkegaard, Paris, Vrin, 1976.
  • André Clair, Kierkegaard, penser le singulier, Paris, Cerf, 1993.
  • André Clair, Kierkegaard, existence et éthique, Paris, Cerf, 1997.
  • André Clair, Kierkegaard et autour, Paris, Cerf, 2005.
  • André Clair, Kierkegaard et Lequier : lectures croisées, Paris, Cerf, 2008.
  • Jacques Colette, Histoire et absolu : essai sur Kierkegaard, Paris, Desclée, 1972.
  • Jacques Colette, Kierkegaard et la non-philosophie, Paris, Gallimard, « Tel », 1994.
  • Vincent DelecroixSingulière philosophie : Essai sur Kierkegaard, Paris, éditions du Félin, 2006, ISBN 2-86645-627-0
  • Jacques DerridaDonner la mort, Galilée, 1999.
  • Jean-Guy Deschênes, Le concept de fondement ou les confessions d'un hypocrite - Réflexions à la manière de Kierkegaard à partir du Concept d'angoisse, Éditions du Grand Midi, Zurich, Québec, 1999.
  • Dominic DesrochesExpressions éthiques de l'intériorité : Éthique et distance dans la pensée de Kierkegaard, Préface d'André Clair, Québec, Inter-Sophia, PUL, 2008, ISBN 978-2-7637-8625-4.
  • Flemming Fleinert-Jansen, Le Chant du veilleur, Lyon, Olivetan 2012.
  • Georges GusdorfKierkegaard, Seghers, 1963, réédition CNRS Éditions, 2011.
  • Charles Le Blanc, Kierkegaard, Les Belles Lettres, 1998.
  • Jean Malaquais, Sören Kierkegaard : foi et paradoxe, Paris, Union générale d'éditions, 1971.
  • Hélène Politis, Kierkegaard, Paris, Ellipses, « Philo-philosophes », 2002
  • Hélène Politis, Le vocabulaire de Kierkegaard, Paris, Ellipses, « Vocabulaire de... », 2002
  • Hélène Politis, Kierkegaard en France au XXe siècle, Archéologie d'une réception, Paris, Ellipses, 2005.
  • Hélène Politis, Répertoire des références philosophiques dans les Papirer de Søren Kierkegaard, Paris, Publications de la Sorbonne, 2005.
  • Hélène Politis, Le concept de philosophie constamment rapporté à Kierkegaard, Ed. Kimé, 21 janvier 2009
  • Charles-Eric de Saint Germain, L'Avènement de la Vérité. Hegel, Kierkegaard, Heidegger, L'Harmattan, 2003
  • Pierre-André Stucki, Le Christianisme et l'Histoire d'après Kierkegaard, Basel, Verlag für Recht und Gesellschaft, 1963
  • Henri-Bernard Vergote, Sens et Répétition : Essai sur l'ironie kierkegaardienne, Ed. Le Cerf, 1982.
  • Henri-Bernard Vergote, Lectures philosophiques de Soren Kierkegaard, Ed. PUF, 1993.
  • Nelly Viallaneix, Écoute, Kierkegaard. Essai sur la communication de la Parole, 2 volumes, Préface de Jacques Ellul, Paris, Cerf, 1979.
  • Stéphane VialKierkegaard, écrire ou mourir, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Perspectives critiques », 2007, ISBN 2-13-056370-8(chronique de ce livre sur France Culture le 20 mars 2008)
  • Jean WahlÉtudes kierkegaardiennes, Bibliothèque d'histoire de la philosophie, Paris, Librairie philosophique, 1949.
  • Jean WahlKierkegaard, L'Un devant l'Autre, Paris, Hachette, 1998

 

Bibliographie anglophone

 

  • Mark Dooley (en)The Politics of Exodus. Kierkegaard's Ethics of Responsibility, New York, Fordham, 2001.

Citations

 

  • « Pour un homme cultivé, voir une farce c'est comme jouer à la loterie, sans le désagrément de gagner de l'argent. » La reprise, 1843.
  • « Il ne faut pas dire du mal du paradoxe, passion de la pensée : le penseur sans paradoxe est comme l'amant sans passion, une belle médiocrité. » Miettes philosophiques, 1844.
  • « Croire, c'est, étant soi-même et voulant l'être, plonger en Dieu à travers sa propre transparence. » Traité du désespoir, 1849.
  • « La raison d'être de la chrétienté [Église établie, institutionnelle telle que « l'Église danoise » par exemple] est de rendre si possible le christianisme impossible. » L'instant, mai 1855.
  • "Je suis un trop grand philosophe pour un si petit pays".
  • "Il y a comprendre et comprendre."
  • "Toute tombe est une prédication."
  • "Le public, la foule, est la non-vérité."

 

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24/11/2023

L’antichristianisme fondamental du projet européen:

 

 

 

 

 

 

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L’entreprise européenne a longtemps porté avec elle, surtout dans le monde catholique, un fumet de bien-pensance. De manière corollaire planait sur ceux qui s’y opposaient le soupçon d’être de mauvais chrétiens.

 

 

Bien-pensance : les Églises ont pris parti pour le oui, chaque fois qu’il y a eu des référendums sur le projet européen (1992, 2005), croyant faire entendre la voix de la raison. Cela est vrai de la Conférence des Églises européennes mais aussi de la Conférence des évêques de France. La presse catholique du courant principal est à l’avenant. C’est dans cette ligne que, le 14 mai dernier, le CECEF (Conseil des Églises chrétiennes en France) a publié un communiqué appelant à soutenir l’entreprise européenne aux prochaines élections.

 

 

On invoque les pères fondateurs, démocrates-chrétiens (et catholiques) tous les trois ; Adenauer, De Gasperi et Schuman. Le drapeau européen frappé des douze étoiles d’or rappelle celles qui nimbent la Vierge de l’Apocalypse. De ce fait, un homme comme Charles de Gaulle, quoique catholique pratiquant, se trouvait être un chrétien suspect du fait son opposition à Bruxelles. Pour les mêmes raisons, beaucoup de laïcistes se sont méfiés de la construction européenne.

 

 

 

Il est clair que ceux qu’inspirent encore ces vieilles lunes n’ont pas encore pris la mesure de la véritable inversion des signes qui s’est produite au cours des quarante dernières années : tout se passe, en effet, comme si Bruxelles était devenue, au contraire, le centre nerveux de l’antichristianisme en Europe.

 

 

 

On s’est longtemps contenté de dire que l’Europe des Six issue du traité de Rome (lieu significatif) était dominée par les forces catholiques et que l’élargissement y avait seulement accru le poids du monde protestant et donc anglo-saxon. Mais aujourd’hui, la mutation est allée bien plus loin. En témoignent le refus d’inscrire les racines chrétiennes de Europe dans les textes constitutifs, la propagande active en faveur des évolutions libertaires les plus débridées, tant de la Commission que du Parlement européens, où la majorité social-démocrate et populaire est toujours prête à toutes les surenchères, le harcèlement des pays qui leur résistent.

 

 

 

Si cela était nécessaire, on en verra la confirmation dans la récente réunion électorale qui s’est tenue à l’université de Varsovie en présence de Donald Tusk, président du Conseil européen en faveur de l’opposition européiste au gouvernement polonais. Leszek Jażdżewski, rédacteur en chef du journal Liberté, y a prononcé, sans que Tusk les désavoue, un discours d’une grossièreté et d’une violence inimaginables à l’encontre de l’Église catholique, laissant loin derrière tout ce qui pouvait se dire en France au temps du petit père Combes.

 

 

 

Il faudrait de longs développements pour approfondir les raisons de cette mutation qu’a connue l’idée européenne au point d’être, désormais, associée à l’antichristianisme le plus virulent. Mais il est assez clair qu’elle est inséparable de la dérive idéologique de la construction européenne. Loin d’être un projet de coopération naturel entre pays libres désireux de travailler ensemble, le projet européen est conçu, aujourd’hui, par ses partisans comme un projet messianique d’abolition des frontières et d’arasement du fait national. Il n’est pas seulement une réalité politique mais une révolution destinée à remettre en cause cette réalité anthropologue fondamentale qu’est le fait national.

 

 

 

L’expérience du siècle dernier a montré que le fait idéologique, que ce soit le communisme ou le socialisme national (dit nazisme), est toujours allé vers une hostilité radicale au fait religieux, ce qui est normal dès lors qu’il se pose comme une Église de substitution. Comment s’étonner qu’il en aille de même avec la troisième des grandes utopies, l’utopie mondialiste, dont le projet européen n’est, de l’aveu de Jean Monnet lui-même, qu’une étape ?

 

 

Il est temps que ce qui reste de croyants en France et en Europe ouvrent les yeux devant ce qui n’est pas seulement un affadissement des convictions chrétiennes des pères fondateurs mais une véritable inversion du rapport du projet européen à la civilisation chrétienne pour laquelle il est devenu une véritable machine de destruction.

 

09:23 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)